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Histoire

Miss Grand. Ô Monsieur, que puis-je répondre ! Votre bonté redouble mon embarras. Je vous ai dit comment je m’étois laissée comme enchaîner. Les soins de M. Anderson ont commencé avec l’espoir d’une grande fortune, qu’il croyoit tôt ou tard infaillible pour une fille de sir Thomas Grandisson. J’ai reconnu, dans mille occasions, que c’étoit son principal motif. Le mien, au contraire, a toujours été la crainte de ne me voir jamais assez de bien pour arrêter un homme plus généreux. Je parle d’un tems, où l’on nous faisoit mener une vie fort contrainte ; & je ne respirois alors que la liberté. Mariage & liberté sont des termes synonimes dans l’esprit des jeunes filles. Je me figurai d’abord que j’aurois toujours le pouvoir de rompre avec lui, si je le jugeois à propos ; mais il me tient sérieusement, sur tout depuis qu’il a su toutes vos bontés pour moi, & qu’il bâtit des espérances d’avancement, sur l’honneur de votre alliance.

Sir Ch. Mais, chere Sœur, n’aimez-vous pas le Capitaine Anderson ?

Miss Grand. Je crois l’aimer autant que j’en suis aimée. Il n’a pas dissimulé que sa principale vue étoit ma fortune. Si je regle mes sentimens sur les siens, la raison du goût qu’il a pour moi ne doit pas m’en donner beaucoup pour lui.

Sir Ch. Je ne suis pas surpris que M. Anderson pense à vous tenir sérieusement, pour