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raison mettoit fort mal ensemble. J’avoue que la préférence qu’il parut me donner sur toutes les autres, lui fit d’abord un mérite à mes yeux. D’ailleurs, étant le principal Officier du Canton, il y étoit considéré comme un Général. Tout le monde jugea, comme lui, qu’une fille de Sir Thomas Grandisson étoit un objet digne de son ambition ; tandis que cette pauvre fille, redoutant les difficultés qui arrêtoient sa Sœur, & concluant de la déclaration de son Pere, que deux à trois mille livres sterling étoient tout le bien qu’elle pouvoit prétendre, croyoit devoir appréhender qu’un Capitaine de Cavalerie, qui cherchoit peut-être à relever sa fortune par un mariage avantageux, ne fût trompé dans ses espérances, en supposant même qu’elle obtînt le pardon de son Pere, si elle s’engageoit avec lui, comme elle en étoit sollicitée par les Lettres, qu’il trouvoit le moyen de lui écrire secrettement. J’espere, Monsieur, j’espère, Mylord, & vous, mes deux Sœurs, que tous ces aveux vous feront prendre une meilleure opinion de ma sincérité, quoiqu’ils ne puissent justifier mon indiscrétion.

Cependant mon orgueil étoit quelquefois blessé. Je ne me le dissimulois pas toujours ; mais le plus souvent je me laissois aveugler par les artifices où les hommes excellent. Par dégrés, je fus entraînée si loin, qu’il me devint également difficile d’avancer ou de retourner sur mes pas. M. Anderson étoit