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du Chev. Grandisson.

reusement, je ne suis que la pauvre Henriette Byron ! Depuis Samedi, la Comtesse de D… a pris sans doute des mesures qui n’apporteront plus de trouble à ma résolution. C’en est fait, chere Lucie. Je ne penserai jamais autrement. Je ne puis, je ne dois, & par conséquent je ne veux pas donner ma main à qui que ce soit au monde, tandis que je me sens dans le cœur une préférence déclarée pour un autre. Reconnoissance, justice, vertu, décence, tout m’en fait une loi que je ne violerai jamais.

Cependant, comme je ne vois pas une ombre d’espérance, j’ai commencé à tenter la conquête, dirai-je de mon inutile passion ? Hé bien, qu’on donne ce nom à mes sentimens, si c’est celui qui leur convient. Un Enfant en Amour ne s’y tromperoit pas ; vous savez que c’est le reproche qu’on m’a fait. Quoiqu’inutile, parce qu’elle est sans espérance, je ne rougirai pas de l’avouer. N’ai-je pas pour moi la raison, la vertu, la délicatesse ? Est-ce la figure que j’aime, si ce que je sens est de l’amour ? Non, c’est la bonté, la générosité, la véritable politesse, qui ont triomphé de mon cœur. Qu’aurois-je donc à rougir ? Cependant je ne puis me défendre quelquefois d’un peu de honte.

Les deux Sœurs me pressent toujours de leur lire plusieurs endroits de mes Lettres, avant que je les fasse partir pour le Château de Selby ; mais elles ont la générosité de ne