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Histoire

mon cœur, aussi long-tems que je serai dans l’incertitude. Je suis sûre que si je voyois prendre un engagement au Chevalier Grandisson, je respecterois son heureuse femme, & je souhaiterois à l’un & à l’autre toutes les félicités qu’on peut espérer dans ce monde. Je le désavouerois ce cœur, si j’y trouvois d’autres sentimens.

Les deux Dames se sont attachées à M. Grandisson, pour découvrir les affaires qui conduisent si souvent sir Charles à Cantorbery. Mais en avouant qu’on ne l’oblige point au secret, il ne laisse pas de les tenir en suspens par un badinage affecté, & par des avantures qui sentent beaucoup le roman. Il est question, s’il faut l’en croire, d’une très-belle femme dont sir Charles est aimé, & pour laquelle il n’a pas moins d’amour, mais sans aucun rapport au mariage. Ce M. Grandisson ménage peu la vérité, & ne fait pas scrupule d’employer des termes solennels, quoique prononcés d’un air badin, pour causer de l’embarras par des récits peu vrai-semblables ; & le Mauvais-plaisant rit alors sans mesure, de l’incertitude où il jette ceux qui l’écoutent. Quelles frivoles créatures que les petits Maîtres ! Quelle idée doivent-ils avoir des femmes ! & qu’elles sont folles, en effet, de se prêter à des extravagances, dont le ridicule retombe ordinairement sur elles !

Cet homme important trouva hier au soir l’occasion de m’entretenir seule, & me pria