démarche qu’elle a faite de partir avec moi, n’ait fait prendre une mauvaise idée d’elle aux dames d’une maison telle que la nôtre. Je le prie de m’écrire une lettre que je puisse lui montrer ; quoique ce point, lui dis-je, demande à être touché délicatement. Je lui laisse la liberté de me traiter aussi mal qu’il voudra, et je l’assure que je recevrai tout de bonne grâce, parce que je sais qu’il a du goût pour le style correctif . Je lui dis que, pour les avantages qu’il me destine, il est le maître de ses offres, et que je lui demande l’honneur de sa présence à la célébration, afin que je tienne de sa main le plus grand bonheur qu’un mortel puisse m’accorder. " je n’ai pas déclaré absolument à ma charmante que mon dessein fût d’écrire à milord, quoique je lui aie fait entrevoir que je prendrais cette résolution. Ainsi, rien ne m’obligera de produire la réponse. S’il faut te parler naturellement, je ne serais pas bien aise d’employer des noms de ma famille pour avancer mes autres desseins. Cependant, je dois tout assurer avant que de jeter le masque. C’est le motif que j’ai eu en amenant la belle ici. Tu vois, par conséquent, que la lettre du vieux pair ne pouvait venir plus à propos. Je t’en remercie. à l’égard de ses sentences, il est impossible qu’elles produisent jamais un bon effet sur moi. J’ai été suffoqué de bonne heure par sa sagesse des nations . Dans mon enfance, je ne lui ai jamais fait aucune demande qui n’ait fait sortir un proverbe de sa bouche ; et, si le sens de la sage maxime tournait au refus, il ne fallait plus espérer d’obtenir la moindre faveur. J’en avais conçu tant d’aversion pour le seul mot de proverbe, qu’aussi-tôt qu’on m’eut donné un précepteur, qui était un fort honnête ministre, je lui déclarai que jamais je n’ouvrirais ma bible, s’il ne me dispensait d’en lire un des plus sages traités, contre lequel, néanmoins, je n’avais pas d’autre sujet d’objection que son titre. Pour Salomon, je l’avais pris en haine, non à cause de sa polygamie, mais parce que je me le représentais comme un vieux maussade personnage, tel que mon oncle. Laissons, je te prie, les vieux dictons aux vieilles gens. Que signifient tes ennuyeuses lamentations sur la maladie de ton parent ? Tout le monde ne convient-il pas qu’il n’en peut revenir ? Le plus grand service que tu aurais à lui rendre, serait d’abréger sa misere. J’apprends qu’il est encore infecté de médecins, d’apothicaires et de chirurgiens ; que toutes les opérations ne peuvent pénétrer jusqu’au siège du mal, et qu’à chaque visite, à chaque scarification, ils prononcent sur lui la sentence d’une mort inévitable. Pourquoi prennent-ils plaisir à faire durer ses tourmens ? N’est-ce pas pour enlever sa toison , plutôt que des lambeaux de sa chair ? Lorsqu’un malade est désespéré, il me semble qu’on devrait cesser de payer les médecins. Tout ce qu’ils prennent est un vol qu’ils font aux héritiers. Si le testament est tel que tu le souhaites, que fais-tu près du lit d’un moribond ? Il t’a fait appeler, dis-tu. Oui, pour lui fermer les yeux. Ce n’est qu’un oncle, après tout. Un oncle, et rien de plus. De quel air tu te signes mon mélancolique ami ! De quoi mélancolique ? De voir un mourant ? D’être témoin d’un combat entre un vieillard et la mort ? Je te croyais plus homme. Toi, qu’une mort aigue, que la pointe d’une épée n’effraie pas, être si consterné du spectacle d’une maladie chronique ! Les scarificateurs s’exercent tous les jours ; sur quoi ? Sur un cadavre. Prends exemple, des grands bouchers, des bourreaux fameux, pires mille fois que ton ami Lovelace, qui font, dans l’espace d’un jour, dix
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