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lorsqu’il m’a causé quelque chagrin extraordinaire. Mais je me suis refroidi, en faisant réflexion que les enfans des personnes âgées qui veulent faire les jeunes gens (je ne suis pas non plus de la dernière vieillesse), ne jouissent pas d’une longue vie, et qu’un vieillard qui épouse une jeune femme, travaille , dit-on, à creuser sa fosse . Cependant, qui sait si le mariage ne serait pas bon pour l’humeur goutteuse dont je suis tourmenté ? Les sentences que je mêle exprès dans mon style peuvent vous être de quelque utilité dans l’entretien que vous aurez avec mon neveu. Mais employez-les avec ménagement, de peur qu’il ne reconnaisse dans quel carquais vous avez pris vos flêches . Fasse le ciel, M Belford, que vos bons conseils, fondés sur les bons avis que je viens de vous donner, pénètrent son cœur, et l’excitent à prendre un parti aussi avantageux pour lui-même, que nécessaire pour l’honneur de cette admirable personne, dont je souhaiterais qu’il eût déja fait sa femme ! Alors je renoncerais tout-à-fait au mariage. S’il était capable d’abuser de la confiance qu’elle a eue pour lui, je serais le premier à solliciter la vengeance du ciel. raro, raro… j’ai oublié mon latin, mais je crois que c’est, (…). Lorsque le vice marche devant, tôt ou tard la vengeance le suit. Je ne vous fais pas d’excuse pour la peine où je vous engage. Je sais combien vous êtes de ses amis et des miens. Vous n’aurez jamais une si belle occasion de nous rendre service à tous deux, qu’en pressant ce mariage. Avec quelle joie vous embrasserai-je après le succès ? En attendant, vous me ferez un plaisir extrême de me marquer quelles sont vos espérances. Je suis, mon cher monsieur, votre, etc. M Lovelace ne s’étant pas hâté de répondre à cette lettre, M Belford lui en écrivit une autre, pour lui marquer la crainte qu’il avait de lui avoir déplu par son honnête franchise. Il lui dit : " qu’il s’ennuie beaucoup à Watford , où il continue d’attendre la mort de son oncle, et que c’est une raison de plus pour souhaiter de n’être pas privé de ses lettres ". Pourquoi me punirais-tu, ajoute-t-il, d’avoir plus de conscience et de remords que toi, qui ne t’es jamais fait un honneur d’en avoir beaucoup ? D’ailleurs, j’ai à te faire un récit assez triste, qui regarde notre ami Belton et sa thomasine, et qui sera une bonne leçon pour tous ceux qui sont dans le goût d’entretenir des maîtresses. J’ai reçu depuis peu des lettres de nos trois associés. Ils ont toute ta méchanceté, sans avoir ton esprit. Les deux autres se vantent de quelques nouvelles entreprises, qui me paroissent mériter la corde, si le succès répond à leurs espérances. Je suis fort éloigné de haïr l’intrigue, lorsqu’elle porte sur quelque principe. Mais que des personnages de cette espèce s’avisent de former des systêmes, et de les confier au papier sans cet assaisonnement et cette pointe qui est ton talent, je t’avoue que j’en suis révolté, et que leurs lettres me choquent beaucoup. Pour toi, Lovelace, quand tu t’obstinerais à suivre ton misérable plan, ne refuse pas d’aider un peu à me délivrer de ma pesanteur par ton agréable correspondance, s’il te reste quelque désir d’obliger ton mélancolique ami,