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paroles, je n’ai pas honte d’employer un langage qui contient plus de sagesse que les ennuyeuses harangues de nos prédicateurs et de nos moralistes. Qu’il en rie, s’il le veut. Vous et moi, M Belford, nous savons mieux ce qu’il en faut penser. quoique vous fréquentiez un loup, vous n’avez pas appris à hurler avec lui.

cependant, il ne faut pas lui faire connaître que je vous aie écrit là-dessus. J’ai honte de le dire ; mais il m’a toujours traité comme un homme d’un sens médiocre ; et peut-être n’aurait-il pas meilleure opinion d’un conseil, s’il savait qu’il lui vînt de moi. Je suis sûr qu’il n’a aucune raison de me mépriser. Il se trouvera bien d’être mon neveu, s’il me survit ; quoiqu’un jour il m’ait dit en face, que je pouvais disposer à mon gré de mon bien, et que, pour lui, il aimait autant la liberté qu’il méprisait l’argent. Il s’est imaginé, je suppose, que je ne pouvais le couvrir de mes aîles sans le piquer de mon bec . Cependant je ne l’ai jamais piqué sans quelque bonne raison ; et dieu sait que je lui donnerais mon sang, s’il voulait s’attacher un peu à m’obliger pour son propre bien. C’est tout ce que je désire de lui. Il est vrai que sa propre mère a commencé à le gâter, et qu’ensuite j’ai eu trop d’indulgence pour lui. Belle disposition ! Direz-vous, de rendre le mal pour le bien . Mais telle a toujours été sa méthode. Comme tout le monde parle avec admiration de la prudence et de la bonté de cette jeune personne, j’ai l’espérance que ce mariage pourrait le faire rentrer en lui-même. Si vous trouviez le moyen de l’y déterminer, je le mettrais en état de rendre les articles aussi avantageux qu’il peut les souhaiter, et je ne serais pas éloigné d’y joindre la possession actuelle d’une fort belle terre. Pourquoi suis-je au monde, comme je le dis souvent, si ce n’est pour le voir marié et bien établi, lui et mes deux nièces ? Puisse le ciel lui inspirer de meilleurs principes, avec un peu plus de bonté d’ame et de considération pour lui-même ! Si les délais viennent de lui, je tremble pour la demoiselle. S’ils viennent d’elle, comme il l’écrit à ma niece Charlotte, je souhaiterais qu’on fît entendre à cette jeune personne que les délais sont dangereux . Toute excellente qu’elle est, je puis l’assurer qu’elle ne doit pas faire trop de fond sur son mérite, avec une tête si légère et un ennemi si déclaré du mariage. Je sais, monsieur, que vous êtes capable de donner à propos quelques bons avis. une parole est assez pour le sage.

mais je voudrais, sur-tout, que vous vissiez un peu ce que vous pouvez obtenir de lui ; car je l’ai averti si souvent de ses mauvaises pratiques, que je commence à désespérer de mes propres exhortations. Représentez-lui que la vengeance n’en est pas moins sûre, pour se faire attendre . Il pourra l’éprouver, s’il se conduit mal dans cette occasion. Quelle pitié qu’avec tant de lumières et de bonnes qualités, il ne fût jamais qu’un vil libertin ! Hélas ! Hélas ! une poignée de bonne vie, vaut mieux que plein muid de savoir . Vous pouvez hasarder, comme son ami, que s’il abusait trop de mon affection, il n’est pas trop tard pour me remarier. Mon vieil ami Wycherley prit le même parti, dans un âge plus avancé que le mien, pour faire enrager son neveu. Ma goutte n’empêcherait pas que je ne pusse avoir un ou deux enfans. J’avoue même qu’il m’en est venu quelque pensée,