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importe peu, je le répète, si mes actions passées ou futures répondent à mon sermon , comme tu nommeras peut-être ce que je t’écris. Mais voici ce que je te promets solemnellement : lorsque je trouverai dans une femme la moitié des perfections de Miss Harlove, je prendrai l’avis pour moi, et je me marierai, si l’on consent à m’accepter. Il ne m’arrivera pas de vouloir éprouver son honneur aux dépens du mien. En d’autres termes, je ne dégraderai point une excellente fille à ses propres yeux par des épreuves, lorsque je n’aurai aucune raison de la soupçonner ; et j’ajoute (par rapport à la merveilleuse utilité qu’on peut tirer, à ton avis, de l’épreuve d’une fille sage et innocente, plutôt que de celle des filles ordinaires) que je n’ai point à me reprocher une fois dans ma vie d’avoir ruiné les mœurs d’aucune personne de ce sexe qui fût faite pour vivre sage sans mes sollicitations. C’est être assez coupable que de contribuer à la continuation du désordre dans celles qui s’y sont déjà livrées, et d’empêcher qu’elles ne se relèvent lorsqu’une fois elles sont tombées. Enfin, quelque parti que l’esprit infernal dont tu suis l’étendard puisse te faire prendre à l’égard de cette incomparable personne, j’espère que tu en useras avec honneur par rapport à la lettre que je te communique. Ton oncle désire, comme tu verras, que je te laisse ignorer qu’il m’a écrit sur cette matière, par des raisons qui ne sont pas trop glorieuses pour toi. Je me flatte aussi que tu prendras les marques de mon zèle dans leur véritable sens. Tout à toi.



milord M, à M Belford.

lundi, 15 de mai. Monsieur, si quelqu’un au monde a de l’ascendant sur l’esprit de mon neveu, c’est vous. Cette raison me porte à vous écrire, pour vous demander votre entremise dans l’affaire qui est entre lui et la plus accomplie de toutes les femmes ; du moins suivant le témoignage que tout le monde lui rend ; et ce que tout le monde pense doit être vrai . J’ignore qu’il ait aucun mauvais dessein sur elle ; mais je connais trop bien son caractère, pour ne pas être alarmé d’un si long délai. Les dames d’ici ont eu quelque temps les mêmes craintes. Ma sœur Sadleir, en particulier, (vous savez que c’est une femme prudente) prétend que, dans les circonstances présentes, le délai doit moins venir de la demoiselle que de lui. Il est certain qu’il a toujours eu beaucoup d’aversion pour le mariage. Qui sait s’il ne pense point à lui jouer quelque mauvais tour, comme il en a joué à tant d’autres ? Le mieux serait de le prévenir ; car, après l’événement, le conseil arrive trop tard . Il a toujours eu la folie et l’impertinence de se moquer du goût que j’ai pour les proverbes. Mais, les regardant comme la sagesse de toutes les nations et de tous les siècles, rassemblée dans un petit nombre de