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venue de quelque dégoût ; et toute son étude, m’a-t-elle dit, serait de me plaire et de m’obliger. Je l’ai assurée qu’elle y réussirait aisément, et que je lui ferais connaître de tems en temps quels services je désirais d’elle ; mais que, pour cette nuit, je ne lui en demandais aucun. Elle est non-seulement fort jolie, mais civile dans ses manières et dans son langage. Il paraît qu’on n’a pas négligé, dans son éducation, ce qu’on appelle ordinairement la partie de la politesse. Mais il est étrange que les pères et les mères fassent si peu de cas d’une autre partie plus précieuse pour les filles, qui consiste dans la culture de l’esprit, d’où découleraient naturellement toutes les autres grâces. Aussi-tôt que je me suis trouvée seule, j’ai visité les portes, les fenêtres, le lambris, le cabinet et la garde-robe ; et n’y ayant rien découvert qui puisse me donner de la défiance, j’ai repris ma plume. Madame Sinclair me quitte à ce moment. Dorcas, m’a-t-elle dit, lui ayant rapporté que je la dispensais de me servir ce soir, elle venait savoir de moi-même si j’étais satisfaite de l’appartement, et me souhaiter une heureuse nuit. Elle m’a témoigné son regret et celui de ses nièces, d’être privées de ma compagnie à souper. M Lovelace, a-t-elle ajouté, les avait informées de mon goût pour la retraite. Elle m’a promis que je ne serais pas interrompue. Ensuite, après s’être étendue sur ses louanges, et m’en avoir donné beaucoup, elle m’a dit qu’elle avait appris avec chagrin qu’il y avait peu d’apparence que nous fissions chez elle un long séjour. Je lui ai répondu avec la civilité convenable. Elle m’a quittée avec de grandes marques de respect, plus grandes, il me semble, que la différence de nos âges ne le demande, sur-tout de la femme d’un officier de considération, qui, dans toute sa maison, comme dans sa manière de se mettre, n’a rien qui sente l’abaissement. Si vous êtes résolue, ma chère, de m’écrire quelquefois, malgré la défense, ayez la bonté d’adresser vos lettres à Miss Letitia Beaumont, chez M Wilson, dans Pall-Mall. C’est M Lovelace qui me propose cette adresse, sans savoir que vous m’avez priée de faire passer notre correspondance par une main tierce. Comme son motif est d’empêcher que mon frère ne puisse découvrir nos traces, je suis bien aise d’avoir cette preuve, et plusieurs autres, qu’il ne pense point à faire plus de mal qu’il n’en a déjà fait. êtes-vous informée de la santé de ma pauvre Hannah ? M Lovelace est si fertile en inventions, que nous ne ferions pas mal d’examiner avec un peu de soin le sceau de nos lettres. Si je le trouvais infidèle sur ce point, il n’y aurait pas de bassesse dont je ne le crusse capable, et je le fuirais comme mon plus mortel ennemi.



Miss Howe à Miss Clarisse Harlove.

jeudi au soir, 27 avril. Je reçois vos dépêches des mains de M Hickman, qui me donne en même temps un expédient fort heureux, par lequel je me trouverai en état, avec le secours de la poste, de vous écrire tous les jours. Un honnête coquetier, nommé Simon Collins , que je charge de cette lettre et des deux