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quoiqu’il puisse arriver qu’elle n’en soit pas plus digne ; pendant que tous ceux qui apprendront mon histoire en tireront ces instructions ; que les yeux sont des traîtres auxquels on ne doit jamais se fier ; que la figure est trompeuse ; en d’autres termes, que la beauté du corps et celle de l’ame se trouvent rarement unies ; enfin que les bons principes et la droiture du cœur sont les seules bases sur lesquelles on puisse fonder l’espérance d’une vie heureuse, soit pour ce monde ou pour l’autre. C’en est assez sur les propositions de M Lovelace. J’en attends votre opinion. Cl Harlove.


L’éditeur se borne ici à quelques extraits de quatre lettres de M. Lovelace, écrites la son ami depuis la date de la dernière, qui contiennent, dit-il, les mêmes détails qu’on a vus dans celles de miss Clarisse, mais dont les traits suivans méritent néanmoins d’être conservés.

" que serais-je devenu moi et mes projets, si son père et toute son implacable famille n’avoient pas travaillé pour mes intérêts ? Il est évident que si sa négociation avait eu le moindre succès, elle me quittait sans retour, et que je n’aurais pas été capable d’arrêter cette résolution ; à moins que je n’eusse pris celle d’abattre l’arbre par les racines, pour arriver au fruit ; tandis qu’avec un peu de patience, jusqu’au temps de la maturité, j’espère encore qu’il suffira de le secouer doucement. Après la hauteur avec laquelle elle m’a traité, j’exige qu’elle s’explique nettement. Il y a mille beautés à découvrir dans le visage, dans l’accent et dans tout l’embarras d’une femme qui veut amener un point qu’elle désire impatiemment, et qui ne sait comment s’y prendre. Un sot qui se pique de générosité, croira se faire un mérite de lui épargner cette confusion ; mais c’est une sottise en effet. Il ne voit pas qu’il se dérobe à lui-même le plaisir du spectacle, et qu’il lui ôte l’avantage de déployer une infinité de charmes qui ne peuvent éclater que dans ces occasions. La dureté de cœur, pour le dire entre nous, est essentielle au caractère d’un libertin. Il doit être familiarisé avec les chagrins auxquels il donne occasion ; et des attendrissemens de complaisance seraient une foiblesse indigne de lui. Combien de fois ai-je joui de la confusion ou du dépit d’une femme charmante, étant assis vis-à-vis d’elle, et voyant ses yeux livrés à l’admiration de mes boucles, ou à l’étude de quelque figure bizarre sur le plancher ? " en parlant de son mémoire et des articles, il dit : " je suis de bonne foi sur ce point. Si je l’épouse, comme je n’en doute pas, lorsque ma fierté, mon ambition et ma vengeance, si tu veux, seront satisfaites, je suis résolu de lui rendre noblement justice ; d’autant plus que tout ce que je ferai pour une femme si prudente et si réglée, ce sera le faire pour moi-même. Mais, par ma foi ! Belford, son orgueil sera contraint à reconnaître qu’elle m’aime, et qu’elle m’a quelque obligation. Ne crains pas que cette esquisse d’articles me mène plus loin que je ne veux. La modestie du sexe me secondera toujours. à l’autel même, nos mains l’une dans l’autre ; je serai sûr de faire quitter à cette fière beauté le prêtre, moi, vingt amis, s’ils étoient présents ; et tandis que nous nous regarderions comme des fous, de lui faire prendre des aîles pour s’envoler par la porte, ou par la fenêtre, si la porte était fermée, et cela, mon ami, d’une seule parole. " il