elle pas déjà tombée sur nous ? Manque-t-il quelque chose à la sienne ? Si le dégoût la prend aujourd’hui pour les mœurs de ce malheureux, n’avait-elle pas la même raison d’en ressentir avant sa fuite ? Seroit-ce sa propre expérience ?… ah ! Ma chère bonne femme, je doute, je doute… le caractère de l’homme ne ferait-il pas douter d’un ange, s’il lui tombait un ange entre les mains ? Le public en jugera dans le plus mauvais sens, et j’apprends qu’il l’a déjà fait. Son frère le dit. Son père le craint. Ha ! Que puis-je faire ? Elle connaissait notre aversion pour lui, comme son caractère. Il faut donc que, pour de nouveaux motifs, il y ait quelque nouvelle raison. ô ma chère Madame Norton ! Comment pourrai-je, comment pourrez-vous supporter les craintes où ces idées nous conduisent ? il la presse continuellement, m’avez-vous dit, et tous ses parens la sollicitent de l’épouser . Elle a ses raisons, sans doute, elle a ses raisons pour s’adresser à nous ; et son crime est d’une nature à nous faire redouter quelque nouvelle disgrâce. Dans quels précipices un cœur égaré n’est-il pas capable de se laisser conduire après une criminelle démarche ? Il n’est que trop vraisemblable qu’on cherche à nous sonder, pour ménager la vanité d’un esprit opiniâtre, qui se réserve le pouvoir de nier ou de se rétracter. Mais enfin, quand j’aurais du penchant à plaider pour elle, c’est à présent le moins favorable de tous les temps : à présent que mon frère Jules (comme il est venu nous le dire ce matin) a rejeté les sollicitations de M Hickman, et qu’il en a été applaudi ; à présent que mon frère Antonin pense à faire passer ses grands biens dans une autre famille ; elle-même s’attend, sans doute, à rentrer dans la terre de son grand-père, en conséquence d’une réconciliation, et comme une récompense pour sa faute ; et s’en tenant d’ailleurs aux termes qu’elle offrait auparavant, et qui ont déjà été refusés ; refusés, je puis le dire, sans qu’il y ait eu de ma faute. Vous ferez sur toutes ces raisons une réponse telle que le cas la demande. Dans les conjonctures présentes, parler pour elle, ce serait renoncer à tout le repos de ma vie. Que le ciel lui pardonne ! Si je le fais aussi, mon exemple ne sera suivi de personne. Pour votre intérêt comme pour le mien, qu’on ne sache pas même que vous et moi nous avons mis ce sujet en délibération ; et je vous recommande de ne m’en plus parler sans ma permission particulière ; car c’est me faire saigner inutilement le cœur par autant de ruisseaux que j’ai de veines. Cependant ne me croyez point insensible à de véritables marques de pénitence et de remords. Mais c’est un nouveau tourment pour moi d’avoir de la bonne volonté sans aucun pouvoir. Adieu, adieu ! Attendons toutes deux notre consolation du ciel. Puisse-t-il inspirer à cette fille, autrefois si chère, (hélas ! Elle me le sera toujours, car une mère peut-elle oublier son enfant ?) un véritable sentiment de repentance, et ne pas la punir suivant l’énormité de sa faute ! C’est la prière de votre sincère amie,
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