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moindre défiance, si je ne m’étais pas proposé de soumettre à votre jugement toutes mes démarches ? Voici ce que j’ai dit à la veuve, devant ses nièces et devant votre nouvelle servante : qu’à la vérité nous nous étions mariés secrètement à Hertford ; mais qu’avant la cérémonie, vous m’aviez fait promettre, par un serment solennel que je suis résolu d’observer religieusement, de me contenter d’un appartement séparé, et de loger même dans une maison différente jusqu’au succès d’une certaine réconciliation, qui nous est d’une extrême importance à tous deux. Bien plus, pour vous convaincre de la sainteté de mes intentions, et que ma seule vue est d’éviter toutes sortes de fâcheux accidens, je leur ai déclaré que je ne m’étais pas engagé moins solennellement à me conduire avec vous, aux yeux de tout le monde, comme si notre union ne consistait encore que dans la foi donnée ; sans prétendre même à ces petites faveurs innocentes qui ne se refusent point dans les amours les plus scrupuleux. Ensuite, il m’a fait vœu, à moi-même, de s’en tenir fidèlement aux mêmes règles. Je lui ai répondu qu’il m’était impossible d’approuver son roman, et la nécessité à laquelle il voulait m’assujettir de paraître ce que je ne suis point ; que chaque pas que je lui voyais faire était tortueux ; que, s’il ne pouvait se dispenser de quelque explication sur mon compte avec les femmes de la maison, j’exigeais qu’il rétractât toutes ses fables, et qu’il leur apprît la vérité. Le récit qu’il leur avait fait, m’a-t-il dit, avait été revêtu de tant de circonstances, qu’il mourrait plutôt que de se rétracter ; et loin de passer condamnation sur le fond même de son entreprise, il a continué de soutenir, par les mêmes raisons, qu’il était à propos qu’on crût notre mariage réel. Hé ! D’où peut venir, a-t-il ajouté, ce vif mécontentement pour un expédient si simple ? Vous savez que, si je souhaite d’éviter votre frère, ou ce Singleton, ce ne peut être que par rapport à vous. Supposez-moi libre ; mon premier mouvement serait de les chercher. C’est la manière dont j’en use toujours avec ceux qui ont l’audace de me menacer. Il est vrai que j’aurais dû vous consulter, et que je ne devais pas agir sans vos ordres. Mais, puisque vous désapprouvez ce que j’ai dit, permettez, très-chère Clarisse, que je vous presse de nommer un jour, un jour moins éloigné où mon récit puisse devenir une heureuse vérité ! Ah ! Que n’est-ce demain ? Au nom de dieu, mademoiselle, que ce soit demain ! Sinon, (étoit-ce à lui, ma chère, à dire sinon avant que j’eusse répondu ?) je vous demande en grâce, du moins s’il ne m’échappe rien qui vous déplaise, de ne pas contredire, demain pendant le déjeûner, ce que vous nommez ma fable. Si je vous donne sujet de croire que je pense à tirer le moindre avantage de cette faveur, révoquez-la au même instant, et ne faites pas difficulté de m’exposer à la confusion que je mériterai. Je le répète encore une fois ; quelle autre vue puis-je me proposer que celle de vous servir, par cet expédient ? Je ne pense qu’à prévenir des malheurs assez vraisemblables, pour le repos de votre esprit, et pour l’intérêt de ceux qui ne méritent pas de moi la moindre considération. Que pouvais-je dire ? Que pouvais-je faire ? Je crois véritablement que, s’il avait recommencé à me presser dans des termes convenables, j’aurais