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vies, si tout ce qu’on dit est vrai, il devrait les avoir perdues toutes, en expiation de plus de vingt crimes. Si vous daignez jamais lui rendre la permission de vous entretenir familiérement, demandez-lui des nouvelles de Miss Betterton, et ce qu’elle est devenue : s’il a recours à des évasions, faites-lui les mêmes questions sur Miss Lockyer . Ah ! Ma chère, cet homme n’est qu’un misérable. Votre oncle sera sondé, comme vous le désirez, et sans aucun délai ; mais je doute du succès par quantité de raisons. Il n’est pas aisé de deviner quel effet le sacrifice de votre bien pourra produire sur certaines gens ; et si l’affaire en était à ce point, je ne devrais pas vous permettre de vous dépouiller volontairement. Je voudrais aussi que vous pussiez vous procurer quelques lettres de votre tyran. Un homme d’un caractère aussi négligent que le sien n’est pas toujours sur ses gardes. S’il a des attentions extraordinaires, et si vous ne pouvez engager votre Dorcas à vous servir, ils me sont tous deux suspects. Faites-lui dire de monter lorsqu’il a la plume en main, ou lorsqu’il a ses papiers autour de lui, et surprenez-le dans quelque négligence. Ces soins, je l’avoue, ressemblent à ceux qu’on prend dans une hôtellerie, lorsque la crainte des voleurs fait visiter tous les coins, et qu’on serait mortellement effrayé néanmoins si l’on en découvrait un ; mais il vaut mieux le trouver tandis qu’on est debout et les yeux ouverts, que d’être attaqué la nuit dans son lit et pendant le sommeil. Comme votre Hannah ne se rétablit point, je vous conseillerais, s’il est possible, d’attacher Dorcas à vos intérêts. Ne lui avez-vous pas marqué trop de dédain ? Vous auriez manqué de politique. Je suis charmée que vous ayez vos habits. Mais point d’argent, point de livres ! à l’exception de spira , de rexel , d’une pratique de piété . Ceux qui vous les envaient en auraient grand besoin pour eux-mêmes. Mais détournons les yeux de cet odieux sujet. Vous m’avez extrêmement alarmée par le récit de son entreprise pour se saisir d’une de mes lettres. Je sais, par mes nouvelles informations, qu’il est le chef d’une troupe de brigands, (ceux entre lesquels il vous a fait paroître étoient apparemment du nombre) qui se prêtent la main pour trahir d’innocentes créatures, et qui ne font pas difficulté d’employer la violence. S’il venait à savoir avec quelle liberté je le traite, je ne voudrais plus sortir sans escorte. Je suis fâchée de vous l’apprendre, mais j’ai de fortes raisons de croire que votre frère n’a pas renoncé à son extravagant complot. Une sorte de matelot à face brûlée, qui me quitte à ce moment, m’est venu dire, avec un air de mystére, que le capitaine Singleton aurait un grand service à vous rendre, s’il pouvait obtenir l’honneur de vous parler. J’ai répondu que j’ignorais votre retraite. Cet homme étoit trop bien instruit pour me laisser pénétrer le sujet de sa commission. J’ai passé près de deux heures à pleurer, après avoir lu celle de vos lettres qui accompagnait l’exhortation de votre cousin Morden. Ma très-chère amie, ne vous manquez pas à vous-même. Permettez à votre amie Anne Howe de suivre le mouvement de cette tendre amitié qui ne fait de nous qu’une seule ame, et d’employer tous ses efforts pour vous donner un peu de consolation. Je ne suis pas étonnée des réflexions mélancoliques que je remarque