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plus facilement de sa plume. Ses idées paroissant se présenter à mesure qu’elle les jetait sur le papier, j’ai remarqué plus d’une fois qu’elle s’arrêtait rarement, et qu’elle changeait ou qu’elle effaçait encore moins. C’était un talent naturel, qu’elle joignait à mille autres. Je remis au colonel la lettre qui était pour lui, et je donnai ordre à mon valet de chambre de se tenir prêt à porter les autres. Ensuite, étant passés dans l’appartement voisin, nous fîmes l’ouverture du testament. Cette lecture nous causa une émotion si vive, que le colonel, s’interrompant quelquefois lui-même, me priait de lire à sa place, et que j’avais besoin aussi de lui faire quelquefois la même prière à mon tour. Notre attendrissement paroissait jusque dans le son de nos voix. Je n’entrerai ici dans le détail de ses dernières volontés, qu’autant qu’il a rapport au fil de ma narration, parce que j’ai dessein de vous envoyer une copie du testament.

Le colonel me dit qu’il était prêt à me rendre compte des sommes qu’il avait apportées de la famille, et qu’elles me mettraient en état d’exécuter sans aucun délai cette partie des dispositions. Il me força de recevoir un papier qui en contenait l’état, et que je mis dans mon porte-feuille sans l’avoir lu ; mais je lui répondis, que, dans l’espérance où j’étais qu’il contribuerait de tout son pouvoir à l’exécution littérale du testament, je lui demandais d’avance son secours et ses avis.

Le désir qu’elle marque, dans le premier article, d’être enterrée avec ses ancêtres, nous obligeait d’écrire au château d’Harlove. J’ai engagé le colonel à se charger de cette commission, parce que je n’ai pas voulu, du moins tout d’un coup, faire l’officieux aux yeux d’une famille qui souhaitera probablement de n’avoir aucune communication avec moi. Voici la lettre de M Morden, qui est adressée au jeune Harlove.

Monsieur,

les ordres dont le porteur est chargé me dispensent de vous apprendre le sort de la plus excellente de toutes les femmes ; mais je suis prié par son exécuteur testamentaire, qui vous enverra incessamment une copie de ses dernières volontés, de vous faire savoir qu’elle demande instamment d’être ensevelie dans le caveau de la famille, aux pieds de son grand-père. Si son père s’y oppose, elle ordonne que son corps soit enterré dans le cimetière de la paroisse où elle est morte. Il n’est pas besoin d’ajouter que cette proposition demande une prompte réponse.

Son bonheur commença hier au soir, quatre minutes après six heures.

Morden.



M Belford à M Lovelace.

samedi, à 10 heures.

La pauvre Madame Norton est arrivée. Elle était descendue à la porte, et son empressement la faisait aller droit à l’escalier ; mais Madame Smith et Madame Lovick étant à pleurer ensemble, et la première ayant informé trop brusquement cette vénérable femme de la fatale nouvelle, elle est tombée sans connaissance à leurs pieds. Cet accès a duré si long-temps, que, pour la faire revenir, elles ont été forcées de lui faire tirer du sang. Je suis arrivé dans le moment