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S’il est donc vrai, monsieur, que, dans ces instans terribles, les conquérans, les vainqueurs des nations soient réduits à de tels aveux, quelles doivent être alors les réflexions de ceux qui ont vécu dans le crime, qui ont employé leurs efforts et mis honteusement leur gloire à séduire les ames innocentes, à ruiner les foibles, après avoir commencé par les arracher à leurs protecteurs et par les éloigner de leurs véritables amis ? Ah ! Monsieur, pesez, pesez l’horreur de leur situation, tandis que la santé, la vigueur d’esprit et de corps vous mettent en état de tirer quelque utilité de cette affreuse image. Quelle bassesse, quelle inhumanité, quelle barbarie dans le sujet de leur orgueil ! Et quelle honte par conséquent, quels remords, quelle consternation à l’approche de la sentence et du châtiment ! En second lieu, monsieur, j’attends de vous, pour l’amour de moi, qui me suis vue dans la nécessité de vous confier l’exécution de mon testament, que si ce choix même donnait naissance à quelque démêlé fâcheux, vous supporteriez, avec la générosité dont je vous ai cru rempli, les foiblesses de mes proches, sur-tout celles de mon frère, qui est réellement un jeune homme de mérite, mais un peu trop ardent et trop livré à ses préventions. J’espère que la paix fera votre étude, et que vous apporterez tous vos soins à réconcilier les cœurs divisés ; que vous emploierez particulièrement votre influence sur un ami encore plus violent, pour arrêter de nouveaux désastres ; car assurément cet esprit fougueux peut se croire satisfait des maux qu’il a causés ; sur-tout de l’odieux affront qu’il a fait à ma famille, en la blessant dans la plus tendre partie de son honneur. J’ai déjà votre promesse sur tous ces points ; j’en demande l’observation comme une dette. Une autre prière que j’ai à vous faire, c’est d’envoyer à leur adresse, par un exprès, toutes les lettres que vous trouverez sous cette enveloppe.

à présent, monsieur, permettez que j’emporte l’espoir de devenir un humble instrument dans les mains de la providence, pour rappeler solidement à la vertu un homme de votre esprit et de votre mérite. Si la malheureuse démarche qui a précipité la fin de mes jours, fait perdre à la société humaine une jeune personne dont on pouvait espérer quelque utilité, cette perte sera réparée fort heureusement par la grâce que je demande pour vous au ciel, et dont je tirerai moi-même un infaillible avantage ; sans compter l’espérance de pouvoir vous remercier, dans une meilleure vie, comme je le ferai jusqu’à mon dernier soupir, de tout le bien que vous m’avez fait, et de l’embarras où vous vous êtes engagé, monsieur, pour votre très-humble, etc.

Cl Harlove.

Les autres lettres sont pour son père, pour sa mère, pour ses deux oncles, pour son frère et pour sa sœur ; pour sa tante Hervey, pour M Morden, pour Miss Howe, pour Madame Norton ; et la dernière pour vous, en exécution de la parole qu’elle vous a donnée de vous écrire aussi-tôt qu’elle serait arrivée à la maison de son père. J’attendrai, pour vous envoyer cette lettre que vous soyez dans une meilleure disposition que Tourville ne représente la vôtre. Elle a pris soin de me laisser, sous une enveloppe particulière, avec d’autres papiers que je n’ai pas encore eu le temps de lire, une copie de ces dix lettres posthumes. Je ne suis plus surpris qu’elle écrivît continuellement ; et jamais, d’ailleurs, je n’ai connu de jeune personne qui se servît