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Miss Arabelle Harlove à Miss Clarisse.

mercredi, 6 septembre.

Nous apprenons, chère sœur, que vous êtes dangereusement malade. Nous vous avons aimée avec une tendresse qu’on n’a jamais eue pour personne ; vous le savez, chère Clary, et vous y avez mal répondu : mais nos ressentimens ne peuvent toujours durer. La nouvelle de votre situation nous afflige, en vérité, plus que je ne puis vous l’exprimer. Comme vos infortunes nous semblent plus grandes que votre faute, et que, sous le poids du malheur, votre bon caractère s’est fidèlement soutenu, je prévois qu’après cette séparation vous allez nous être plus chère que jamais. Consolez-vous donc, chère sœur, et gardez-vous d’un excès d’abattement. Quelque mortification que puissent vous causer l’obscurcissement de votre ancienne perspective, et les réflexions que vous ferez en vous-même sur votre fausse démarche, et sur le malheur que vous avez eu de ternir un aussi charmant caractère que le vôtre, vous n’en recevrez aucune de nous. Pour gage de faveur et de réconciliation, mon père et ma mère vous assurent, par ma main, de leur bénédiction et de leurs prières. Ils pensent même à vous consoler plus efficacement ; car s’ils apprennent que cette lettre ait été reçue comme ils s’y attendent (ils en jugeront par l’effet qu’elle produira sur votre santé), ma mère ira vous voir elle-même à Londres. Dans l’intervalle, Madame Norton, pour laquelle vous avez toujours eu tant d’amitié, ne tardera point à se rendre auprès de vous. Elle vous écrit, pour vous annoncer son arrivée et l’affection renaissante de toute votre famille.

Nous espérons que de si bonnes nouvelles vous rendront un peu de goût pour la vie. Hâtez-vous de nous en assurer. Votre première lettre à cette occasion, sur-tout si nous y apprenons que vous vous portez mieux, nous causera autant de plaisir que nous en prenions autrefois aux plus jolies productions de votre plume. Adieu, ma chère Clary. Je suis votre sœur très-affectionnée et votre véritable amie,

Arabelle Harlove.



M Jules Harlove à Miss Clarisse.

mercredi 6 septembre.

Votre faute, ma très-chère nièce, nous avait jetés dans un mortel chagrin ; mais nous en ressentons encore plus, s’il est possible, d’apprendre que vous êtes si mal, et nous sommes extrêmement fâchés que les choses aient été poussées si loin. Nous connaissons vos talens, ma chère, et combien votre plume est touchante lorsque vous entreprenez d’attendrir. Nous avons cru que vous vous reposiez sur une qualité dont l’exercice vous a souvent réussi ; et nous imaginant peu que votre maladie fût si dangereuse et que vous eussiez mené une vie si pénitente et si régulière, nous sommes réellement très-consternés, votre frère et tous les autres, de vous avoir traitée avec tant de rigueur. Pardonnez la part qu’on m’y a fait prendre, ma très-chère Clary. Je suis votre second père, vous le savez ; et vous m’avez toujours aimé.

J’espère que vous serez bientôt en état de vous rendre ici ; et qu’après y avoir passé quelque tems, vous m’accorderez un mois entier, lorsque votre père et votre mère auront la bonté d’y consentir, pour réjouir mon cœur, et régler, comme autrefois, mes affaires domestiques. Mais si votre maladie ne vous permettait pas de venir aussi-tôt que nous le désirons, j’irois moi-même à Londres ; car je meurs d’envie de vous voir ; jamais je ne l’ai souhaité avec tant d’impatience, quoique vous ayez toujours fait les délices de mon cœur, comme vous ne sauriez l’avoir oublié. Mon frère Antonin vous embrasse de tout le sien, et se joint à moi, dans la tendre assurance que tout ira parfaitement, et mieux, s’il est