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M Lovelace à M Belford.

malédiction sur tout ce qui t’empêche de m’écrire ! Sur le colonel, sur ta dernière lettre, sur le monde entier ! Toi ! Te prétendre aussi intéressé que moi au sort de ma Clarisse ! Et qui es-tu, pour m’oser tenir ce langage ? Il est fort heureux pour l’un ou l’autre, que tu n’aies eu cette audace que par écrit. Morte ou vive, Clarisse Harlove est à moi, à moi seul. Ne me coûte-t-elle pas assez ? N’est-il pas probable qu’elle me coûtera mon salut éternel, tandis qu’une éternité de bonheur sera son partage ? Une éternelle séparation ! ô comble d’horreur ! Dieu ! Dieu ! Comment puis-je soutenir cette idée ? Mais il lui reste encore un souffle de vie ; j’espère encore. Oh ! Belford, étends mes espérances, et tu seras mon bon génie, le seul que je croirai jamais, que j’invoquerai comme le dieu de ma vie et de mon salut ! Je te pardonnerai tout. Pour la dernière fois… mais non, ce ne sera pas, ce ne peut être la dernière. Déclare-moi, au moment que tu recevras ce billet, ce qu’il faut que je devienne ; car à présent je suis le plus misérable de tous les hommes.

à Knight’sbridge, à 5 heures.

Will me dit que tu m’envoies Mowbray et Tourville. Je n’ai pas besoin d’eux ; mon ame est lasse d’eux et du monde entier. C’est de moi que je veux… cependant, comme ils me font assurer qu’ils seront ici dans l’instant, je les attendrai, eux et ta première lettre… ah ! Belford, garde-toi bien de m’apprendre… mais hâte-toi, hâte-toi, quelque malheur que tu aies à m’annoncer.



M Belford à M Lovelace.

à 7 heures, mercredi, 6 septembre.

Ce qu’il me reste à t’apprendre, c’est que tu ne saurais mieux faire à présent que de partir, soit pour Paris, soit pour tout autre lieu du monde où ta destinée pourra te conduire.


M Mowbray à M Belford.

à Uxbrige, 7 septembre, entre minuit et une heure.

Je t’envoie demander, à la prière du pauvre Lovelace, les circonstances du fatal arrêt que tu as prononcé cette nuit. Il n’est pas capable de se servir de sa plume ; mais il veut savoir tout ce qui appartient aux derniers momens de Miss Harlove. Je ne vois pas néanmoins ce qui peut lui revenir de cette curiosité. Elle est partie, n’est-ce pas ? Qui diable peut l’arrêter ?

De ma vie je n’ai entendu parler d’une femme si singulière. Quel si grand mal avait elle reçu, pour mourir de douleur ? Je souhaiterais que notre pauvre ami ne l’eût jamais connue. Quelles peines ne lui a-t-elle