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fait plus tôt, si je n’avais espéré, de jour en jour, qu’elle apprendrait quelque heureux effet de votre obligeante médiation. J’ai l’honneur, monsieur, d’être etc. Belford.



M Belford à M Lovelace.

mardi, 5 septembre, à 7 heures du soir.

Le colonel Morden est arrivé cet après-midi, à cinq heures précises. Il était à cheval, suivi de deux laquais.

Ayant trouvé Smith et sa femme qui paroissaient tous les deux fort affligés, il leur a demandé, avec beaucoup d’impatience, comment se portait Miss Harlove. Elle n’est pas morte, a répondu tristement Madame Smith ; mais je ne crois pas sa dernière heure éloignée. Bon dieu ! S’est-il écrié en levant les mains et les yeux. Puis-je la voir ? Mon nom est Morden ; j’ai l’honneur de lui appartenir de fort près. Montez, je vous prie, et faites-lui savoir que je suis ici. Qui est avec elle ? Sa garde, lui a dit Madame Smith ; et Madame Lovick, une dame veuve, qui prend d’elle autant de soin que si c’était sa mère. (elle n’en prendrait aucun, a-t-il interrompu, si elle n’en prenait pas davantage) ; avec un gentilhomme nommé M Belford, qui lui rend tous les offices d’un bon ami. Si M Belford est avec elle, a-t-il repris, je puis monter sans difficulté. Mais allez toujours, et dites à M Belford que je lui demande d’abord un moment d’entretien.

Madame Smith est venue m’avertir dans l’antichambre, où je venais d’achever la dernière lettre que tu as reçue de moi. Je me suis empressé d’aller au devant du colonel, qui est réellement un homme de très-bonne mine, et qui m’a reçu avec beaucoup de politesse. Après les premiers complimens : Miss Harlove, m’a-t-il dit, vous a plus d’obligation qu’à ses plus proches parens. Pour moi, je me suis efforcé en vain de toucher en sa faveur des coeurs de marbre ; et ne me figurant point que cette chère personne fût si mal, j’ai négligé de la voir, comme je le devais, au premier moment de mon arrivée, et comme je n’y aurais pas manqué, si j’avais connu sa situation et les difficultés que j’ai trouvées de la part de sa famille. Mais, monsieur, ne reste-t-il pas d’espérance ? J’ai répondu que les médecins l’avoient quittée, avec la triste déclaration qu’il n’en restait plus.

N’a-t-elle manqué de rien ? A-t-il demandé. Son médecin est-il un homme éclairé ? Je sais que ces bonnes gens ont eu pour elle toutes les civilités et toutes les attentions imaginables.

Eh ! Qui pourrait lui refuser ses adorations ? S’est écriée Madame Smith en pleurant à chaudes larmes ; c’est la plus aimable de toutes les femmes.

Tel est le témoignage, a dit le colonel, que tout le monde lui rend. Bon dieu ! Comment votre cruel ami…

et comment ses cruels parens… ai-je interrompu. L’un n’est pas moins incompréhensible que l’autre.

J’ai pris soin de lui expliquer tout ce qu’on avait tenté pour sa guérison. Il était fort impatient de la voir. Il l’avait laissée, m’a-t-il dit, à l’ âge de douze ans. Elle promettait alors d’être quelque jour une des plus belles femmes d’Angleterre. Je l’ai assuré qu’elle avait pleinement répondu à cette espérance ; que, peu de mois auparavant, peut-être étoit-elle la plus