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qui sont en son pouvoir. Je crois, ma chère cousine, que vous n’avez rien de mieux à faire, que de recevoir sa main. Il rend une justice éclatante à votre vertu ; et le ton dont il se condamne lui-même, me persuade que vous pouvez lui pardonner avec honneur ; d’autant plus que vous paroissez déterminée contre une persécution légale. Il est évident pour moi, que le pardon que vous lui accorderez facilitera beaucoup la réconciliation générale ; car votre famille ne peut s’imaginer qu’il pense sérieusement à vous rendre justice, ni que vous fussiez obstinée à le rejeter, si vous le jugiez de bonne foi. Cependant cette affaire peut avoir quelque face qui m’est encore inconnue. Si ce soupçon est juste, et si vous consentez à m’instruire, je vous promets tout ce que vous pouvez attendre d’un cœur naturellement vif et ardent. Il n’y a que le désir de vous rendre service, qui m’ait empêché jusqu’à présent de vous donner ces assurances de bouche. Je languis de vous revoir, après une si longue absence. Mon intention est de voir successivement tous mes cousins, et je ne désespère pas de rétablir la paix. Les esprits fiers, qui ont poussé le ressentiment trop loin, n’attendent qu’un prétexte pour se rendre ; et la tendresse ne s’éteint jamais dans le cœur des parens, pour un enfant qu’ils ont une fois aimé.

En attendant, je vous prie de m’informer, en peu de mots, si vous avez quelque doute de la bonne foi de M Lovelace. Pour moi, je le crois sincère, si j’en juge par la conversation que j’eus hier avec lui. Vous aurez la bonté de m’adresser votre réponse chez M Antonin Harlove.

Jusqu’à l’heureux moment où je me rendrai peut-être utile à votre réconciliation avec votre père, votre frère et vos oncles, permettez, ma chère cousine, que je tienne la place de quatre personnes qui vous touchent de si près.

Morden.



Miss Clarisse Harlove à M Morden.

jeudi, 31 août.

Recevez, mon cher monsieur, mes plus ardentes félicitations sur votre retour ; je l’ai appris avec une satisfaction extrême : mais la confusion et la crainte m’ont également empêchée de vous prévenir par mes lettres, avant les témoignages d’affection par lesquels vous avez la bonté de m’encourager.

Qu’il est consolant pour mon cœur blessé, de m’appercevoir que vous ne vous êtes pas laissé entraîner par ce flot de ressentimens sous lequel je suis malheureusement submergée, et que, tandis que mes plus proches parens ne daignent point examiner la vérité des lâches rapports qu’on leur fait contre moi, vous avez pris la peine de vérifier par vous-même que mes disgraces viennent de mon malheur, beaucoup plus que de ma faute !

Je n’ai pas le moindre sujet de douter que M Lovelace ne soit sincère dans ses offres, et que tous ses proches ne souhaitent ardemment de me les voir accepter. J’ai reçu de nobles preuves de leur estime, depuis le refus même que j’ai fait de me rendre à leurs sollicitations. Ne blâmez pas le parti auquel je me suis attachée. Je n’avais pas donné sujet à M Lovelace de me regarder comme une créature folle et sans principes. Si je lui avais donné sur moi cet avantage, un homme de son caractère aurait pu se croire autorisé par les siens à se prévaloir de la foiblesse qu’il m’aurait inspirée ; et, dans cette supposition, le témoignage de mon propre cœur m’aurait excitée à composer avec un méchant homme.

Je puis lui pardonner ; mais c’est par la persuasion où je suis que ses crimes me rendent supérieure à lui. Croyez-vous, monsieur, que je puisse donner ma main et mes vœux à un homme que je crois au-dessous de moi, et mettre le sceau, par ce don, à ses bassesses préméditées ? Non,