Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/508

Cette page n’a pas encore été corrigée

ton est dur, colonel. Ho ! Par ma foi, ce ton est trop dur. Il n’y a personne au monde de qui j’en voulusse entendre autant que M Lovelace en a souffert.

Le Col. qui êtes-vous, monsieur ? Quel droit avez-vous d’entrer dans une affaire où d’un côté l’on se reconnaît coupable, et où l’honneur d’une famille considérable est intéressé ?

Mowbray (à l’oreille du colonel) mon cher enfant, vous m’obligeriez infiniment si vous vouliez me donner le moyen de répondre à votre question.

(il sortoit. Je l’ai ramené, tandis que milord retenait le colonel.)

Le Col. de grâce, milord, permettez-moi de suivre cet officieux inconnu. Je vous promets d’être ici dans trois minutes.

Lovel. Mowbray ! Est-ce-là le personnage d’un ami ? Me supposes-tu incapable de répondre pour moi-même ? Et le colonel Morden, que je connais homme d’honneur et de courage, quoiqu’un peu téméraire dans sa visite, aura-t-il occasion de se plaindre qu’étant venu ici seul et comme nu, cette raison n’ait pas plutôt servi à lui attirer des civilités que des insultes ? Il faut, mon cher Mowbray, que vous vous retiriez à ce moment. Vous n’avez, en effet, aucun intérêt dans cette affaire ; et si vous êtes mon ami, je vous prie de faire des excuses au colonel de vous y être mêlé mal à propos.

Mowbray. hé bien ! Hé bien ! Lovelace, il n’en sera que ce que tu juges à propos. Je sais que je n’ai point affaire ici. Vous, colonel (en lui tendant la main), je vous laisse à un homme qui est aussi capable de défendre sa cause qu’aucun mortel que je connaisse.

le col. (prenant la main de Mowbray, à la prière de milord) vous ne m’apprenez rien que j’ignore, M Mowbray. Je ne doute point que M Lovelace ne sût défendre sa cause, s’il était question d’une cause à défendre, et j’en prendrai occasion de vous avouer, M Lovelace, que je ne puis m’expliquer à moi-même, qu’un homme aussi brave, aussi généreux que je vous ai connu dans le peu de temps que j’ai eu l’honneur de vous voir en Italie, ait été capable d’en user si mal avec la plus excellente personne de son sexe.

Milord. allons, messieurs ; à présent que M Mowbray a disparu, et que vous ne vous devez rien l’un à l’autre, que tout respire l’amitié, je vous en prie ; et cherchons ensemble quelque heureuse conclusion.

Lovel. un mot, milord, à présent que M Mowbray est parti. Je crois qu’un homme d’honneur ne doit pas passer si légérement sur une ou deux expressions qui sont échappées au colonel.

Milord. mon neveu, que diable veux-tu dire ? Tout doit tomber dans l’oubli. Il ne te reste qu’à confirmer au colonel la résolution où tu es d’épouser Miss Harlove, si elle consent à te recevoir.

Le Col. je me flatte que M Lovelace n’hésitera point à m’en donner sa parole, malgré tout ce qui s’est passé. Si vous croyez, monsieur, qu’il me soit échappé quelque chose dont vous ayez à vous plaindre, c’est apparemment lorsque j’ai dit qu’un homme qui a si peu consulté l’honneur à l’égard d’une femme sans protection et sans défense, ne doit pas être si délicat sur ce qui mérite bien moins ce nom, sur-tout avec ceux qui ont droit de lui en faire leurs plaintes. Je suis fâché, M Lovelace, d’avoir sujet de tenir ce langage ; mais je le repéterais sans crainte à un roi dans toute sa gloire, au milieu de ses gardes.

Milord. que faites-vous, messieurs ? Vous soufflez sur les flammes, et je vois que vous avez dessein de quereller. Ne souhaitez-vous pas, mon neveu, n’êtes-vous pas prêt d’épouser Miss Harlove, si nous pouvons obtenir son consentement ?

Lovel. que le ciel me confonde, milord, si je voulais épouser une impératrice à ce prix !