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dans quelque lieu où la violence me rendrait moins coupable. Je suis venu dans des vues fort opposées… pour concilier les différens, loin de vouloir les irriter. Lovel. eh bien ! Monsieur, nous prendrons toutes les méthodes qu’il vous plaira. Il n’y a personne avec qui je sois plus disposé à traiter paisiblement, qu’avec un homme pour lequel Miss Harlove a tant de considération. Mais je vous avoue que, dans le ton comme dans les termes, je ne puis supporter l’air de menace.

Mil. allons, messieurs, allons ; vous commencez à vous entendre mieux ; vous êtes amis, j’en suis sûr ; promettez-moi de l’être. Je suis persuadé, colonel, que vous ne connaissez pas tout le fond de cette fâcheuse affaire. Vous ne savez pas combien mon neveu désire qu’elle se termine heureusement. Vous ne savez pas, colonel, qu’à notre sollicitation, M Lovelace est résolu d’épouser Miss Harlove. Le Col. à votre sollicitation, milord ? Je me serais figuré que M Lovelace était disposé à remplir son devoir par des principes de justice ; sur-tout lorsque la justice se trouve jointe au plus grand honneur qu’il puisse se faire à lui-même.

(Mowbray jeta les yeux à demi-fermés sur le colonel, et me lança aussi-tôt un regard.)

Lovel. l’expression est forte, monsieur.

Mowbray. par ma foi, je la trouve telle aussi.

Le Col. forte, monsieur ? Mais n’est-elle pas juste ?

Lovel. oui, colonel ; et je crois que faire honneur à Miss Harlove, c’est m’en faire à moi-même. Cependant il y a des termes qui peuvent être adoucis, du moins par le ton, sans rien perdre de leur valeur.

Le Col. cette remarque est vraie en général : mais, si vous avez pour ma cousine les sentimens dont vous faites profession, vous devez…

Lovel. souffrez, monsieur, que je vous interrompe. Si j’ai les sentimens dont je fais profession ! Il me semble qu’après avoir déclaré que j’ai ces sentimens, ce si, prononcé avec emphase, est ici fort déplacé.

Le Col. vous m’avez interrompu deux fois, monsieur. Je suis aussi peu accoutumé à me voir interrompre, que vous à voir répéter vos termes.

Mil. deux barils de poudre, en vérité ! Que sert, messieurs, de vouloir traiter, si vous êtes prêts à quereller au moindre mot ?

Lovel. un homme d’honneur, milord, souffre difficilement que sa bonne foi soit soupçonnée.

Le Col. si vous m’aviez permis d’achever, M Lovelace, vous auriez vu que ce si étoit moins une marque de doute, qu’une supposition accordée. Mais réellement, il est bien étrange qu’avec tant de délicatesse sur la bonne foi dans le commerce des hommes, on ne fasse pas scrupule de violer les promesses et les sermens qu’on fait aux femmes. Je puis vous assurer, monsieur, que j’ai toujours cru ma conscience liée par mes sermens.

Lovel. je loue cette maxime, colonel ; mais je vous apprends que vous me connaissez peu, si vous ne me croyez pas capable d’un juste ressentiment, lorsque je vois prendre mes généreuses déclarations pour une marque de foiblesse.

Le Col. (d’un air ironique) je me garderai bien, monsieur, de vous prêter cette disposition. Ce serait s’imaginer qu’un homme qui s’est rendu coupable d’une injure signalée, n’est pas prêt à montrer son courage pour la soutenir.

Mowbray. ce