Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/502

Cette page n’a pas encore été corrigée

prend soin de recueillir toutes les lettres et tous les matériaux qui peuvent servir à mettre mon histoire dans son véritable jour. Je compte le vertueux docteur Lewin entre ces amis dont la satisfaction m’est chère. L’utilité qui peut revenir de ce recueil à toutes les jeunes personnes qui auront entendu parler de moi, répondra bien mieux à la fin qu’on se propose, que mes sollicitations dans une cour de justice pour obtenir une vengeance incertaine, avec tous les désavantages que je viens de représenter. Si je suis assez heureuse, monsieur, pour vous faire approuver mes idées, et pour en recevoir l’assurance par quelques mots de votre main, il ne manquera rien à ma propre satisfaction ; car je souhaite aussi ardemment que jamais d’être justifiée à vos yeux, et de mériter la glorieuse estime dont vous honoriez autrefois votre très-humble, etc.



Miss Clarisse à sa soeur.

mardi, 22 août.

Avec quelque dureté, ma sœur, qu’il vous plaise de m’écrire, comptez que la moindre de vos attentions excitera toujours ma reconnaissance. Mais, quelque jugement que vous portiez de moi, je ne puis voir Mm Ackland et Derham dans les vues que vous me proposez. Que le ciel, comme vous dites, ait pitié de moi ! Car je n’en attends plus de personne. Il faut qu’on me regarde comme une malheureuse qui a bu toute honte, sans quoi l’on ne penserait point à m’envoyer deux hommes pour une commission de cette nature. Si ma mère avait demandé de moi, ou si la modestie vous avait permis à vous-même de me demander les circonstances de ma triste histoire, ou si Madame Norton avait été chargée de les recevoir de ma bouche, la bienséance aurait été plus ménagée. Il me semble aussi qu’il aurait été plus digne du caractère de tout le monde, d’exiger ces informations avant que de me condamner avec tant de rigueur.

Je sais que votre opinion est celle du docteur Lewin. Il a pris la peine de m’en instruire par une lettre fort obligeante. Je lui ai fait réponse ; et je me flatte qu’il est satisfait de mes raisons. Peut-être méritent-elles que vous preniez la peine de demander à les voir. à l’égard de votre seconde proposition, qui regarde mon passage en Pensilvanie ; si dans l’espace d’un mois il n’arrive rien qui puisse délivrer entiérement mes proches et mes amis de cette multitude de soins, de craintes et de scandales que vous me reprochez, et si je suis alors en état de me faire transporter au vaisseau, j’obéirai volontiers aux ordres de mon père et de ma mère, quand je serais sûre de mourir en chemin. Au lieu de ma pauvre Hannah, qui est réellement innocente, vous serez libre de mettre auprès de moi votre Betty Barnes, qui vous répondra de ma conduite ; et je lui promets de récompenser généreusement ses services.

Je suis également surprise et affligée des nouveaux soupçons que vous me laissez entrevoir sur ma conduite. Sur quoi seraient-ils fondés ?

Je ne vous dirai point combien je suis pénétrée de votre rigueur, ni ce que vous me faites souffrir par cette cruelle légèreté de style, que vous n’affectez apparemment que dans la vue de me mortifier. Ce que j’ai à répondre, c’est que vous réussissez parfaitement, si telle est votre intention. Cependant je prie le ciel, avec aussi peu de ressentiment qu’il m’est possible, et pour