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Madame Smith survint, pour l’informer que vous étiez venu une troisième fois, que vous ne vous étiez retiré qu’à neuf heures et demie, et que vous aviez promis d’être civil et respectueux ; mais elle ajouta que vous étiez absolument déterminé à la voir. " il étoit bien étrange, répondit-elle, qu’on ne lui permît pas de mourir en paix. Son sort étoit extrêmement rigoureux. Elle commençait à craindre de manquer de patience, et de trouver sa punition plus grande que sa faute ". Mais, après s’être un peu recueillie, elle s’est consolée par la certitude d’avoir peu de tems à vivre, et par l’espérance d’une meilleure vie. Toutes les circonstances de ce récit doivent vous faire conclure, avec moi, que la lettre qu’elle reçut de Madame Lovick, et sur laquelle je me souviens que vous aviez reconnu la main de sa sœur, ne pouvait pas être celle qui donna lieu à ce qu’elle vous écrivit le même soir, après son retour chez Smith. Cependant on ignore qu’elle en ait reçu d’autre. Mais comme on m’assure qu’elle vous écrivit réellement, je suis soulagé du soupçon que celle dont vous m’avez envoyé la copie pouvait être quelque nouvelle ruse, dont le mystère échappait à ma pénétration.

Mercredi matin, lorsqu’elle reçut votre réponse, on lui entendit répéter plusieurs fois que la nécessité était la mère de l’invention ; mais que l’infortune rendait témoignage à l’intégrité. Je me flatte, dit-elle encore, de n’avoir pas fait une démarche inexcusable. Ensuite, après un moment de silence, peut-être, ajouta-t-elle, me sera-t-il permis à présent de mourir en paix.

Je l’attendis jusqu’à son arrivée. Elle parut satisfaite de me voir ; mais étant très-foible, elle me dit qu’elle avait besoin de s’asseoir un moment, avant que de monter à sa chambre. Madame Lovick la soutint jusqu’à la première chaise. Je vous vois avec plaisir, me dit-elle ; je ne fais pas difficulté de l’avouer, quelque interprétation que la malignité donne à mes sentimens.

Cette expression me surprit ; mais je ne voulus pas l’interrompre.

Ah ! Monsieur, reprit-elle, j’ai plus souffert que vous ne pouvez vous l’imaginer. Votre ami, qui ne m’a pas voulu laisser vivre avec honneur, ne veut pas non plus que je meure en paix. Vous me voyez : ne me trouvez-vous pas extrêmement changée depuis votre départ ? Mais je suis bien éloignée de m’en faire un sujet d’affliction. Cependant, si j’avais quelque attachement à la vie, je dois dire que votre ami, votre barbare ami, sert beaucoup à me l’abréger.

Sa foiblesse était si visible dans le mouvement de sa respiration, et dans le son de sa voix, son action si touchante, que j’en fus pénétré jusqu’au fond du cœur. Les deux femmes et la garde tournèrent la tête en pleurant. Depuis quatre jours, madame, m’efforçai-je de répondre, j’ai eu devant les yeux une scène extrêmement affligeante. Le pauvre Belton n’est plus. Il passa hier dans un autre monde, après une si terrible agonie, que l’impression qui m’en reste me trouble encore la vue et l’imagination. (je ne voulais pas qu’elle attribuât les marques de ma douleur à l’abattement où je la voyais, dans la crainte d’affoiblir son courage.)

un spectacle de cette nature, interrompit-elle, est bien plus propre à fortifier l’ame. Mais, puisque vous y avez été si sensible, je souhaiterais que vous en eussiez fait une vive peinture à votre joyeux ami. Qui sait quel effet elle aurait pu produire sur lui, de la part et dans le cas d’un associé ? Je l’ai fait, répliquai-je : et je me figure que ce n’est pas tout-à-