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Il me tient des raisonnemens qui sont quelquefois capables de m’embarrasser ; et, par ma foi ! Belford, à présent que je touche au terme, je ne sais que répondre. Mais, à tout hasard, je m’en tiendrai à mes résolutions ; car j’ai trop éprouvé qu’il m’est impossible de vivre sans elle.

" vous me pressez extrêmement de vous marquer, avant votre départ pour Berckshire, ce que je pense de votre nouvelle situation. Le sommeil qui me presse, et le triste spectacle que j’ai encore devant les yeux, ne me laissent guère le pouvoir d’y faire toutes les réflexions qu’elle mérite. Votre joie, dites-vous, va jusqu’au transport. Elle est juste, si vous ne me déguisez rien, et je ne voudrais pas vous la dérober ; mais je ne puis vous dissimuler que j’en suis surpris.

Sûrement, Lovelace, la lettre que tu me communiques ne saurait être une imposture de ta façon, pour couvrir quelque nouvelle vue, et pour me tromper. Non ; le style me fait rejeter cette idée : quoique, d’un autre côté, je te croie capable de tout. Je veux suspendre mon jugement, et me contenter aujourd’hui de te souhaiter toutes sortes de biens ".



M Belford à M Lovelace.

samedi, 28 d’août.

J’assistai jeudi à l’ouverture du testament, où je suis nommé seul exécuteur, avec un legs considérable, que mon dessein est d’abandonner à la sœur du mort, parce que je ne trouve pas qu’il l’ait assez bien traitée. Il te laisse, comme à Tourville et à Mowbray, un présent fort honnête, pour vous engager tous trois à rappeler quelquefois sa mémoire.

Après avoir donné quelques ordres qui regardaient les funérailles, je partis vers le soir ; mais, étant arrivé fort tard à la ville, et les fatigues que j’avais essuyées pendant plusieurs jours et plusieurs nuits me rendant le repos absolument nécessaire, je me contentai de faire demander des nouvelles de Miss Harlove, et de la faire assurer de mon respect. M Smith, à qui mon laquais parla, me fit dire qu’il se réjouissait beaucoup de mon retour, parce qu’elle était plus mal que jamais. Il m’est impossible d’expliquer ce qu’elle vous écrit, ou de le concilier avec les faits que j’ai à vous communiquer.

J’étais hier chez Smith, dès sept heures du matin. Miss Harlove venait de sortir, dans une chaise-à-porteurs, pour se rendre à l’église voisine. Elle était trop mal, pour en avoir cherché de plus éloignée ; et Madame Lovick, qui l’avait soutenue jusqu’à la chaise, étoit allée à pied devant elle, dans la crainte qu’elle n’eût besoin de secours à l’église. Madame Smith me dit qu’elle avait été si bas, mercredi au soir, qu’elle avait demandé les secours de la religion. Le ministre de la paroisse, qui passa une demi-heure avec elle, dit, en se retirant, aux personnes de la maison : c’est un ange que vous avez chez vous : je la verrai aussi souvent qu’elle le désirera, ou que je croirai lui faire plaisir.

Elle attribue l’augmentation de sa foiblesse aux fatigues que vous lui avez causées, et à une lettre qu’elle a reçue de sa sœur, à laquelle il paraît qu’elle a fait réponse le même jour.