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je m’habillais pour être prêt à l’arrivée de Will, que j’avais envoyé aux informations, un porteur-de-chaise m’a remis cette lettre :

à Monsieur Lovelace.

mardi, au soir.

Monsieur,

j’ai d’heureuses nouvelles à vous communiquer. Je me dispose à partir pour la maison de mon père. On me fait espérer qu’il recevra une fille pénitente, avec toute la bonté paternelle. Imaginez-vous quelle est ma joie de pouvoir obtenir une parfaite réconciliation, par l’entremise d’un cher ami pour lequel j’ai toujours eu du respect et de la tendresse. Je suis si occupée de mes préparatifs pour un voyage si doux et si désiré, qu’ayant quelques affaires importantes à régler avant mon départ, je ne puis donner un moment à d’autres soins. Ainsi, monsieur, ne me causez pas de trouble ou d’interruption. Je vous le demande en grâce. Lorsqu’il en sera tems, peut-être me verrez-vous chez mon père ; ou du moins ce serait votre faute. Je vous promets une plus longue lettre, lorsque j’y serai arrivée, et qu’on m’aura fait la grâce de m’y recevoir. Je suis, jusqu’à cet heureux jour, votre très-humble, etc.

Cl Harlove.

Je me suis hâté de répondre à ma divine Clarisse, pour l’assurer avec la plus tendre reconnaissance, que j’allais quitter Londres, attendre le succès de l’heureuse réconciliation, et me rendre digne de mes espérances. Je lui ai protesté que toute l’étude de ma vie serait de mériter cet excès de bonté, et que son père, ses amis, n’exigeraient rien à quoi je ne fusse prêt de me soumettre, pour arriver à cette délicieuse fin. J’ai donné ma lettre au porteur, sans prendre le temps d’en tirer une copie ; et j’ai fait mettre aussitôt les chevaux au carrosse de milord. Apprends-moi seulement comment se porte Belton. J’attends une lettre de toi sur la route. Si le pauvre diable peut se passer de ton secours, vole à Londres, je t’en conjure, pour offrir tes services à ma divinité. Hâte-toi, dis-je, je te le conseille, si tu ne veux être exposé à ne la pas revoir de plusieurs mois, en qualité du moins de Miss Harlove. Ne manque pas non plus, s’il est possible, de m’écrire avant son départ, pour confirmer mon bonheur et pour m’expliquer ce généreux changement. Mais qu’ai-je besoin d’explication ? Ma chère Clarisse ne peut recevoir de consolation, sans désirer que d’autres la partagent. Quelle noblesse ! Elle n’a pas voulu me voir dans ses disgraces ; mais le soleil de la prospérité ne commence pas plutôt à luire, qu’elle me pardonne.

Je sais à la médiation de qui je dois ce bonheur ; c’est à celle du colonel Morden. Elle m’a toujours dit qu’elle avait pour lui du respect et de la tendresse ; et je n’ignore pas qu’il en a plus pour elle que pour tous ses parens du même nom.

Je serai convaincu à présent qu’il y a quelques réalités dans les songes. Le plafond qui s’est ouvert, c’est la réconciliation en perspective. La figure brillante qui est venue l’élever vers un autre ciel, environnée de chérubins d’or et d’azur, marque la charmante petite famille qui sera le fruit de notre heureuse union. Les invitations trois fois répétées par le chœur d’anges, sont celles de tous les Harloves, qui auront cessé d’être implacables ; cependant, c’est une race avec laquelle mon ame répugne à se