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vos parens n’est pas que vous demeuriez fille, déterminez-vous à les obliger. Qu’on ne dise pas qu’à l’exemple de quantité d’autres personnes de votre sexe, l’imagination ait eu plus de pouvoir sur vous que le devoir et la raison. Moins l’homme est agréable, plus il y aura de mérite dans la complaisance. Souvenez-vous que c’est un homme réglé, un homme qui a une réputation à perdre, et dont la réputation, par conséquent, est une sûreté pour sa bonne conduite avec vous. C’est une occasion qui s’offre à vous, pour donner le plus grand exemple qu’on puisse attendre du respect filial. Embrassez-là. L’exemple est digne de vous. On l’attend de votre vertu ; quoiqu’en faveur de votre inclination, on puisse regretter qu’il vous soit proposé. Qu’on dise, à votre gloire, que vous avez mis vos parens dans le cas de vous avoir obligation. Terme orgueilleux, chère cousine, mais justifié par la violence que vous ferez au penchant de votre cœur. Et des parens encore qui vous ont comblée de bienfaits ; mais qui sont fermes sur ce point ; qui n’en démordront pas ; qui se sont relâchés sur quantité d’autres points de la même nature, et qui, pour l’honneur de leur jugement et de leur autorité, demandent d’être obligés à leur tour. J’espère de me trouver bientôt en état de vous féliciter personnellement d’une si glorieuse complaisance. Le désir d’arranger et de finir tout ce qui appartient à ma qualité de curateur, est un des principaux motifs qui me portent à quitter l’Italie. Je serai charmé de pouvoir m’acquitter de ce devoir, à la satisfaction de tout le monde ; et sur-tout, ma chère cousine, à la vôtre. Si je trouve, à mon arrivée, l’union rétablie dans une famille si chère, ce sera pour moi un plaisir inexprimable ; et je disposerai peut-être mes affaires pour passer le reste de mes jours près de vous. Ma lettre est d’une longueur extrême. Il ne me reste qu’à vous assurer du profond respect avec lequel je suis, ma très-chère cousine, votre, etc.

Morden.


Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

Je suppose, chère Miss Howe, que vous avez lu la lettre de mon cousin. Il est trop tard pour souhaiter qu’elle fût arrivée plutôt. Quand je l’aurais reçue alors, peut-être n’en aurais-je pas moins eu la témérité de me résoudre à l’entrevue, puisque je pensais si peu à partir avec M Lovelace. Mais je ne crois pas qu’avant l’entrevue, je lui eusse donné l’espérance qui le fit venir préparé, et dont ses artifices rendirent si malheureusement la révocation inutile. Persécutée comme je l’étais, et m’attendant si peu à la condescendance qu’on se proposait d’avoir pour moi, suivant que ma tante me l’a marqué, et que vous me l’avez confirmé ; quand la lettre serait arrivée assez tôt, j’ai peine à dire quel parti elle m’aurait fait prendre par rapport à l’entrevue. Mais, voici un effet que je crois véritablement qu’elle aurait produit sur moi : elle m’aurait fait insister de toutes mes forces sur le projet de me rendre auprès de son obligeant auteur, pour trouver un père et un protecteur, aussi bien qu’un ami, dans un cousin qui est un de mes curateurs. Cette protection était la plus naturelle, ou du moins la plus