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c’est ainsi que j’exciterai sa pitié ; c’est ainsi que je peindrai mes peines ; c’est ainsi que je pousserai un douloureux soupir à la vue de quelques dédains, peut-être, dont j’appercevrai les traces sur son front ; et c’est ainsi que je trouverai grâce à ses yeux charmans ". Je me suis entretenu de ces idées jusqu’à la maison de Smith, où mes porteurs ont déposé leur fardeau. Les coquins ont mis chapeau bas, en ouvrant la chaise. Mon laquais, qui est en livrée neuve, s’est approché pour recevoir mes ordres. Je suis sorti d’un air magnifique. La femme de la maison paroissait s’agiter derrière son comptoir. Le respect et la crainte ont donné de la gravité à ses traits, et je ne doute pas que ses genoux ne heurtassent contre les ais intérieurs.

Votre serviteur, madame. Will, faites éloigner un peu les porteurs, et suivez-moi. Vous avez une jeune personne qui loge ici, Miss Harlove. Est-elle dans son appartement ? (j’allais traverser la boutique).

Monsieur, monsieur, ayez la bonté d’arrêter. Vous demandez Miss Harlove ? Nous avons effectivement une jeune dame de ce nom : mais mais…

mais quoi, madame ? Il faut que je la voie. N’est-ce pas le premier qu’elle occupe ? Ne vous donnez pas la peine, je trouverai son appartement. (et je m’avançais vers l’escalier). Monsieur, monsieur, madame n’est point au logis. Elle est sortie : elle est à la campagne. Sortie ? à la campagne ? Impossible. Vous ne m’en imposerez pas, bonne femme. Il faut que je la voie : j’ai des affaires importantes avec elle.

Il est certain, monsieur, qu’elle n’est point au logis.

(elle a fait entendre une sonnette. Jean, a-t-elle crié, descendez promptement…). En vérité, monsieur, elle n’est point au logis. (Jean est descendu. C’était le mari même, lorsque, jugeant de lui par l’impertinente familiarité de sa femme, je ne le prenais que pour un homme à leurs gages).

Mon cher ami, lui a-t-elle dit, monsieur ne veut pas croire que Miss Harlove soit sortie.

Jean a fait une profonde révérence aux galons de mon habit. Votre serviteur, monsieur. Réellement, Miss Harlove n’est point à Londres. Elle est partie pour la campagne, ce matin à six heures, par l’ordre du médecin. Je n’ai voulu croire ni le mari ni la femme. Je suis sûr, leur ai-je dit, qu’elle ne peut être à la campagne. Je sais qu’elle se porte très-mal ; elle n’est pas en état de supporter le mouvement d’un carrosse. Connoissez-vous M Belford, mes amis ? Oui, monsieur. Nous avons l’honneur de connaître ce digne gentilhomme. Il est allé voir un de ses amis, qui est malade à la campagne. Il partit samedi matin.

Fort bien. Mais je sais, par une lettre de M Belford, que Miss Harlove est extrêmement mal. Comment pourrait-elle être sortie ? ô monsieur ! Elle est très-mal, très-mal en effet. à peine a-t-elle pu se traîner jusqu’au carrosse.

(Belford, ai-je pensé en moi-même, ignore le temps de mon arrivée, et ne peut avoir reçu ma lettre d’hier. Aussi malade qu’il me l’a représentée, il est impossible qu’elle soit sortie). Où sont ses gens ? Faites-moi parler à ses gens. Elle n’en a point d’autres, monsieur, qu’une femme qui la garde dans sa maladie ; et cette femme est partie avec elle.