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vous nous faisiez à tous la grâce d’oublier sa méchanceté et son ingratitude, pour accepter la qualité de notre parente, vous nous rendriez la plus heureuse famille du monde : et je puis vous garantir que milord M, miladi Sadleir, miladi Lawrance et ma sœur, qui font profession d’admirer vos vertus et la noblesse de votre ame, ne cesseraient jamais de vous aimer, de vous respecter, et d’apporter tous leurs soins à réparer ce que vous avez souffert de M Lovelace. C’est une faveur néanmoins que nous n’aurions pas la hardiesse de vous demander, si nous n’étions bien sûrs que son repentir est égal à l’offense, et qu’en implorant à genoux votre généreuse pitié, il se liera par des sermens éternels d’honneur et d’amour. Ainsi, ma chère cousine (quel charme pour nous, si cet agréable style nous est permis !), notre intérêt commun, celui d’une ame que vous pouvez sauver de sa perte, et, souffrez que je le dise, celui de votre réputation même, doivent être capables de toucher votre cœur. Si, pour encourager nos espérances, vous m’assurez seulement que vous ne serez pas fâchée de me voir, et si vous permettez que j’aie l’honneur de vous connaître personnellement, comme nous vous connaissons depuis long-temps par l’éclat de votre mérite, je ne tarderai pas deux jours à me rendre auprès de vous, pour recevoir, de votre bouche, des ordres que nous ferons gloire d’exécuter fidèlement. Je vous demande, ma chère cousine (car nous ne pouvons nous refuser le plaisir de vous donner un nom si doux), je vous demande la permission d’entreprendre exprès le voyage de Londres, et de mettre milord M et mes tantes dans le pouvoir de vous faire toutes les réparations dont ils sont capables, pour les outrages que la plus respectable personne du monde a reçus du plus audacieux et du plus coupable de tous les hommes. Quels droits n’acquerrez-vous pas sur notre reconnaissance, et particulièrement sur celle de votre très-humble,

Charl Montaigu.



Miss Clarisse Harlove, à Miss Charlote Montaigu.

jeudi, 3 d’août.

Mademoiselle,

je suis vivement pénétrée des témoignages que je reçois de votre estime. Une lettre si obligeante, et des sentimens si généreux, augmentent mes regrets, en me faisant sentir plus vivement que jamais quelle aurait été ma félicité dans une alliance que votre bonté vous fait désirer avec tant de chaleur, et qui, de votre part et de celle de milord, m’aurait également comblée d’honneur et de plaisir. Mais en vérité, mademoiselle, mon coeur rejette sincérement un homme qui, vous appartenant de si près par le sang, a pu se rendre coupable d’une violence préméditée, et qui a maintenant la bassesse de vouloir engager, dans une famille telle que la vôtre, une personne qu’il n’a pas eu honte de ravaler à la plus vile compagnie de son sexe. Souffrez donc, mademoiselle, que, demeurant dans la résolution où je suis, je déclare hautement que je ne me croirais pas digne de tenir rang entre les dames de votre nom, si j’étais capable de justifier par des sermens solemnels, et de sanctifier, comme je le puis dire, de si noirs et de si criminels excès. Cependant vous me permettrez de demander à milord, aux miladis vos