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voyage de Londres pour l’amener ici ; et notre mariage sera célébré dans la chapelle du château, sous les yeux de toute ma famille.

Ne trahis pas mon espérance, cher Belford. Emploie vivement et de bonne foi toute la force de ton éloquence, pour la faire consentir au choix d’une de ces trois méthodes. Il faut qu’elle en choisisse une ; il le faut, te dis-je, ou que je sois confondu.

J’entends Charlotte qui frappe à la porte de mon cabinet. Que diable me veut-elle ? Point de reproche, s’il lui plaît : je n’en souffre pas davantage. Entrez, entrez, petite fille. Ma cousine Charlotte me voyant écrire avec trop d’attention pour en faire beaucoup à sa visite, et devinant le sujet de ma lettre, a souhaité absolument de voir ce que j’avais écrit. J’ai eu cette complaisance pour elle. Le ton dont je te presse lui a causé tant de satisfaction, qu’elle m’a offert d’écrire elle-même à Miss Harlove ; et j’ai accepté son offre, en lui permettant de me traiter comme elle le trouvera bon. Je t’enverrai, dans ma lettre, une copie de la sienne. Après l’avoir écrite, elle a cru me devoir des excuses, pour la manière dont elle me traite. J’ai donné des applaudissemens à son style ; et la voyant prête à m’embrasser, dans la joie qu’elle avait de mon approbation, je lui ai donné deux baisers pour la remercier de ses injures, en l’assurant que j’en espérais beaucoup de succès, et que je rendais grâces au ciel de lui avoir inspiré cette idée. Tout le monde l’approuve ici comme moi, et paraît charmé de la patience avec laquelle j’ai souffert d’être maltraité. S’il n’arrive point de changement dans mes espérances, tout le blâme retombera sur l’opiniâtreté de la chère Clarisse. On doutera de cette douceur et de cette disposition à pardonner, dont elle fait tant de parade ; et la pitié, dont elle est en pleine possession, passera peut-être sur moi. Ainsi, mettant toute ma confiance dans cette lettre, je suspends mes autres alternatives et mon voyage de Londres, jusqu’à la réponse que ma souveraine fera sans doute à Miss Montaigu. Mais si tu vois qu’elle persiste, et qu’elle ne prenne pas du moins quelque temps pour délibérer, tu peux lui communiquer ce que je t’envoie, avant l’arrivée de ma cousine ; et si son obstination ne diminue pas, ne manque point de l’assurer que je veux la voir, que je la verrai, mais avec les plus parfaits sentimens d’honneur et d’humilité. Enfin, si je ne puis la toucher en ma faveur, je quitte l’Angleterre, et peut-être pour n’y revenir jamais.

Je suis fâché que, dans un temps si critique, tu sois aussi employé que tu me le dis, à servir Belton. Si ses affaires demandent mon assistance, parle, et je vole à tes ordres. Tout occupé, tout rempli que je suis de cette perverse beauté, j’obéis au premier signe. Je compte sur ton zèle et sur le caractère de ton amitié. Ne perds pas un moment ; et reviens donner tous tes soins aux plus chers intérêts d’un ami qui en perd le repos nuit et jour.

Je joins ici la lettre de Miss Montaigu. à Miss Clarisse Harlove.

mardi, premier d’août.

Très-chère miss,

toute notre famille est infiniment sensible aux injures que vous avez reçues d’un homme que votre seule alliance peut rendre digne du degré dans lequel il nous appartient. Si, par un miracle d’indulgence et de bonté,