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eu la satisfaction de nous embrasser. Quelle force, ma chère, vous donnez aux instances de M Hickman ! Ne doutez pas qu’il ne fût tel que vous le supposez, et qu’il ne désirât sur toute chose de vous voir près de nous, ou plutôt avec nous, si vous nous accordiez cette faveur. S’il n’est pas un insensé, la politique lui ferait naître ce désir, quand il n’y serait pas aussi porté qu’il l’est par la vénération qu’il a pour vous. Mais je ne vous dissimulerai pas, ma chère, qu’il dépend de vous, plus que vous ne le pensez, de hâter le jour que ma mère presse avec tant d’impatience, et pour lequel vous faites vous-même tant de voeux. Du moment où vous pourrez m’assurer que votre santé se rétablit, et que vous êtes assez bien pour avoir congédié votre médecin avec son propre aveu, je vous donne ma parole que ce jour ne sera pas reculé plus d’un mois. Ainsi, ma chère, ce que vous désirez est entre vos mains. Hâtez-vous de vous bien porter, et cette affaire sera bientôt terminée avec plus de douceur et de joie que je ne puis jamais l’espérer autrement. Je fais partir un exprès, pour informer milord M et les dames, de votre juste refus. Vous ne trouverez pas mauvais que j’aie transcrit, dans ma lettre, quelques fragmens des vôtres, comme vous m’avez témoigné d’abord que vous le désiriez vous-même. Nous apprenons de M Hickman que votre plume vous occupe sans cesse, et que votre santé ne s’en trouve pas mieux. Auriez-vous entrepris d’écrire quelque partie de votre malheureuse histoire ? Ma mère me conseille de vous y exhorter, dans l’idée qu’un ouvrage de cette nature, publié sous des noms feints, ferait quelque jour un honneur extrême à notre sexe. Elle ne cesse point d’admirer, dans votre refus, la justice et la noblesse de votre ressentiment. Elle serait bien aise aussi de savoir ce que vous pensez de la proposition que je vous fais de sa part. Votre conduite, dit-elle, et l’élévation de vos sentimens dans un si grand nombre d’épreuves, seraient non-seulement un puissant exemple, mais un motif de précaution pour toutes les jeunes personnes de notre âge.

Le jour de notre départ est fixé à lundi. J’espère que cet incommode voyage ne sera que de quinze jours. à mon retour, je presserai ma mère de me faire passer par Londres ; et si le prétexte doit être d’acheter quelques habits, mon véritable motif sera l’espérance d’embrasser encore une fois ma chère Clarisse, avant que les soins de M Hickman aient pris une autre face, et tandis que je puis me dire encore à moi-même, c’est-à-dire, à elle, sans ménagement et sans partage.



M Lovelace, à M Belford.

mardi, premier d’août.

Je suis au désespoir. Un messager de Miss Howe apporta samedi à mes cousines une lettre qui ne me fut communiquée qu’hier au soir à l’arrivée de mes deux tantes, et sur laquelle milord les avait fait prier de se rendre ici pour me soumettre encore une fois à ce redoutable tribunal. Jamais ours n’essuya une aussi rude chasse que ton pauvre ami. Et pourquoi ? Pour seconder la cruauté de Miss Harlove ; car ai-je commis quelque nouvelle offense ? N’étais-je pas prêt à recevoir ma grâce à toutes les conditions qu’elle aurait voulu m’imposer ? Est-il beau de me punir de