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craindre de vous communiquer, je vous prie instamment, ma chère, de réprimer votre censure. Considérez qu’ils ignorent ce que j’ai souffert, qu’ils sont remplis d’un ressentiment qu’ils croient juste, et qu’ils ne peuvent juger de la vérité de mon repentir. Après tout, que peuvent-ils faire pour moi ? Ils ne peuvent m’accorder que de la pitié. à quoi servira-t-elle qu’à redoubler leur douleur, que leur ressentiment a peut-être soulagée ? Leur pitié sera-t-elle capable de rétablir ma réputation ? Je me recommande aux prières de ma chère amie, et je renouvelle, en finissant, mes remerciemens les plus tendres pour la visite de M Hickman, avec des vœux pour leur bonheur mutuel et pour la prompte célébration de leur mariage.



Miss Howe, à Miss Clarisse Harlove.

vendredi, 28 juillet.

C’est à présent, ma chère, que je veux vous ouvrir entièrement mon ame sur la résolution inébranlable où vous êtes de ne pas prendre pour votre mari le plus vil de tous les hommes. Vous m’en aviez apporté des raisons si dignes de ma chère Clarisse, que l’intérêt de mon amour-propre, et la crainte de perdre une si parfaite amie, ont pu me faire souhaiter seul de vous voir changer de disposition.

à la vérité, ma chère, je m’étais figuré que l’effort nécessaire pour vaincre une passion telle que l’amour, lorsque tant de raisons s’accordent à la favoriser, était au-dessus de notre sexe ; et j’ai voulu vous presser encore une fois de surmonter votre juste indignation, avant qu’elle vous fît porter le ressentiment plus loin, dans la crainte qu’il ne vous fût plus difficile et moins honorable de vous rendre alors, que dans les circonstances présentes. Mais puisque je vous vois ferme dans votre noble résolution, et qu’il est impossible à votre ame pure et vertueuse de s’unir avec un vil et misérable parjure, je vous en félicite du fond du cœur ; et je vous demande pardon d’avoir paru douter, dans cette occasion, de vos sentimens et de vos principes. Il ne me reste qu’un sujet de tristesse ; c’est le mauvais état de votre santé, tel que M Hickman n’a pu nous le déguiser. Quoique vous observiez si bien la doctrine à laquelle je vous ai vue toujours attachée, sur le rang que l’opinion du monde doit tenir dans votre estime, et sur la nécessité d’être justes à nos propres yeux avant que de chercher à le paraître aux yeux d’autrui, cependant, ma chère, souffrez qu’en vous pressant de ne rien négliger pour rétablir vos forces, je fasse entrer dans vos motifs, que cet heureux dénouement couronnerait votre triomphe, et ferait connaître avec éclat que vous êtes supérieure en effet au vil auteur de toutes vos infortunes. On vous aurait vue, pendant quelques instans, hors du chemin qui vous est si naturel ; mais on verrait avec édification que vous avez été capable de le reprendre, et que vous continuez par vos exemples et par vos instructions de faire le bonheur de tous ceux que vous connaissez. Au nom du ciel, pour l’amour du genre humain, pour l’honneur particulier de notre sexe, pour moi qui vous aime si parfaitement, efforcez-vous de vaincre tout ce qui s’oppose à votre santé. Si vous remportez cette glorieuse victoire sur vous-même, je suis heureuse ;