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respectueux pour ceux auxquels ils doivent le jour. Encore une fois, pardon. J’ai poussé la chaleur assez loin : mais je n’ai pas d’autre exemple que le vôtre, pour m’inspirer le goût de la vertu opposée ; et les traitemens que vous avez reçus ne sont pas propres à me donner la force de l’imiter.

Vous me laissez le soin de déclarer votre refus à la noble famille dont la seule tache est d’avoir produit un homme si vil. Mais, hélas ! Ma chère, les conséquences de ce refus me causent tant d’alarmes !… je ne sais que vous dire ; cependant, permettez que je suspende ce refus jusqu’au retour de M Hickman. Les instances de milord et des dames font tant d’honneur à votre vertu ; ils ont pour vous une si juste admiration ; vous devez avoir triomphé si noblement de votre monstre ; il est lui-même si pressant ; le public a pénétré si loin dans cette malheureuse affaire ; vous pouvez faire encore tant de bien ; votre volonté s’est conservée si pure ; vos parens sont si implacables… ! Pensez-y, ma chère, et repensez-y. Ma mère, Miss Loyd, Miss Bidulphe, tous ceux, en un mot, que vous avez crus dignes d’une confiance distinguée, s’accordent à penser que vous devez prendre le parti du mariage. Vous m’expliquerez le fond de votre coeur par la bouche de M Hickman ; et, lorsqu’il m’aura communiqué votre résolution absolue, je vous ouvrirai le mien. En attendant, puisse-t-il m’apporter des nouvelles de votre santé, telles que je les désire, et que je les demande au ciel avec l’ardeur et l’inquiétude d’une inviolable amitié !



Miss Clarisse Harlove, à Miss Howe.

jeudi, 27 juillet.

Après vous avoir fait des remerciemens fort vifs du plaisir que vous m’avez procuré par la visite de M Hickman, je vous dois, ma très-chère Miss Howe, dans la sincérité d’une fidèle amitié, qui ne serait pas ce qu’elle est, si elle n’admettait pas cette liberté, quelques reproches pour avoir suspendu la déclaration de ma réponse décisive. Je suis fâchée, ma chère, que vous, qui me connaissez si bien, vous m’obligiez de répéter que, quand j’aurais beaucoup d’années à vivre, je ne serais jamais rien à M Lovelace. Bien moins puis-je penser à lui, lorsque je me crois peu éloignée de mon dernier terme. à l’égard du public et de sa censure, vous savez, ma chère amie, que, quelque prix que j’aie toujours attaché à la bonne réputation, je n’ai jamais cru devoir que le second rang à l’opinion du public. D’ailleurs, tout m’apprend que ma réputation est perdue : et que me servirait-il d’avoir cherché les moyens de la réparer, si je ne pouvais me justifier à mes propres yeux ?

Je vous ai reproché si souvent les libertés qui vous échappent à l’égard de ma famille, que je ne péserai point aujourd’hui sur cet article. Mais lorsque vous me faites entendre qu’il s’est passé depuis peu quelque chose que j’ignore, vous m’alarmez également pour eux et pour moi-même, puisque c’est les avoir irrités nécessairement contre moi. J’aurais souhaité, ma chère, que vous m’eussiez laissé le soin de traiter avec eux, dans une occasion si intéressante pour mon repos. J’ai écrit à ma sœur ; je dois redouter