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par toutes sortes de bons offices. M Hickman a reçu mes civilités avec une froideur que j’ai mise sur votre compte plus que sur le mien ; elle nous a priés tous deux à déjeûner demain avec elle, parce qu’il doit partir le même jour. J’ai pris ce moment pour leur laisser la liberté de s’entretenir, sous le prétexte de quelques affaires dont je suis chargé réellement pour le pauvre Belton. Ensuite, après avoir rempli ce devoir, je me suis retiré chez moi, où j’ai voulu te préparer, par ce récit, à ce qui peut arriver dans la visite à laquelle je suis engagé pour demain.



M Belford, au même.

jeudi, 27 de juillet.

Je me suis rendu ce matin, à l’heure du déjeûné, dans l’appartement de Miss Harlove, où j’ai trouvé M Hickman avec elle. Quoiqu’il eût dans les yeux et sur le visage quelques marques d’embarras et de contrainte, il m’a reçu avec plus de considération qu’hier ; ce que j’ai cru devoir attribuer au favorable témoignage qu’on lui avait rendu de moi. Il a peu parlé ; mais je suppose qu’ils avoient eu le temps de s’expliquer hier au soir, et ce matin, avant mon arrivée. Quelques mots échappés m’ont fait juger que Miss Howe, dans sa lettre, a représenté vivement à son amie les désirs de votre famille, votre propre impatience, et l’opinion où elle est elle-même que l’unique voie qui lui reste pour réparer sa disgrâce est d’accepter votre main. M Hickman, autant que j’ai pu le recueillir, l’a pressée, au nom de Miss Howe, de se retirer, pendant son absence, dans une ferme voisine de sa maison, où l’ordre est déjà donné de lui préparer un logement commode. Elle a demandé combien le voyage devait durer ; et, paroissant charmée qu’on ne se propose pas d’y employer plus de quinze jours, elle a répondu que peut-être accepterait-elle l’offre de son amie avant son retour. Il lui a présenté une somme d’argent de la même part ; mais rien n’a pu l’engager à la prendre. Il n’est pas surprenant qu’elle ait refusé mes offres. Elle a dit seulement que, si sa situation la réduisait à la nécessité d’emprunter, elle n’aurait jamais cette espèce d’obligation qu’à Miss Howe. En la quittant, je suis entré avec M Hickman dans un café voisin. Il m’a fait le récit de votre entrevue ; et je vous assure qu’il me l’a représentée plus favorablement pour vous, que vous ne l’avez fait vous-même. Cependant il m’a dit fort librement ce qu’il pensait de vous ; mais avec la politesse d’un galant homme. Il ne m’a pas déguisé la ferme résolution où il a trouvé Miss Harlove de ne jamais être à vous. Il devait la revoir à midi pour se charger de sa réponse à Miss Howe, qui était presque finie dès le matin ; et, n’attendant que ses ordres, il se propose de partir à trois heures. Madame Howe et sa fille, qu’il doit accompagner dans leur voyage, comptent de se mettre en chemin pour l’ île de Wight, lundi prochain. Il s’efforcera, dit-il, de donner la meilleure couleur qu’il lui sera possible à la situation de Miss Harlove ; sans quoi, leur éloignement serait pour elles un supplice insupportable. Comme je l’ai trouvé dans la résolution de donner un tour favorable à ce qu’il a vu, et que Miss Harlove a refusé l’argent qu’il étoit chargé de lui offrir, je ne lui ai point appris qu’elle ait commencé à se défaire de ses robes ; il m’a paru que cette nouvelle n’était propre qu’à chagriner inutilement son amie. C’est une circonstance si choquante et si odieuse, qu’une jeune personne de son rang et de sa fortune soit réduite à cette