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chez Dormer, lorsqu’il y est arrivé. Il m’a proposé de faire avec lui un tour de jardin. Les cérémonies ne finissaient pas ; c’étoient des excuses sans nombre, sur la liberté qu’il allait prendre. Enfin il avait commencé à me dire, qu’il venoit… qu’il… qu’il était venu… à la prière de Miss Howe, pour m’entretenir de Miss Harlove. La patience m’a manqué. Eh bien, monsieur, parlez, lui ai-je dit. Vous me permettrez de vous faire observer que si votre livre est aussi long que la préface, nous avons pour une semaine de lecture.

Tu trouveras ce ton un peu brusque : mais le meilleur parti, avec les formalistes, est de les décontenancer d’abord. Les a-t-on mis hors de leur route ? Ils tombent dans une défiance d’eux-mêmes, dont ils ont beaucoup de peine à revenir. Alors un honnête homme, qu’ils ont eu l’impertinence d’attaquer, a le dessus du vent pendant toute la conférence. Il a porté la main au menton ; à peine savait-il ce qu’il devait dire. Cependant, après quantité de parenthèses et de nouvelles apologies : je présume, monsieur, je présume, a-t-il répété, que ce n’est pas sans votre participation que les deux demoiselles Montaigu, vos cousines, ont fait une visite à Miss Howe, au nom de milord M de miladi Sadleir et de miladi Lawrance.

(tu suppléeras aux liaisons qui jetteraient de l’embarras dans mon récit). Je ne l’ignore pas, monsieur. Miss Howe reçut, le jour suivant, une lettre signée de milord et de ces deux dames, à laquelle je joignis aussi quelques lignes. L’avez-vous vue, monsieur ?

Je ne puis dire qu’elle me l’ait cachée ; c’est même le principal motif de cette visite. Miss Howe (vous me pardonnerez, monsieur) trouve, dans ce petit nombre de lignes, un air de légèreté, qui lui fait douter si c’est sérieusement que vous lui demandez ses sollicitations auprès de son amie. Croyez-vous, monsieur, que Miss Howe me permette d’avoir avec elle-même quelques momens d’explication ?

Oh ! Monsieur, je n’ose vous répondre qu’elle voulût vous causer cette peine. Ce ne sera point une peine, M Hickman. Je vous accompagnerai volontiers chez Miss Howe, et je dissiperai tous ses scrupules. Vous avez votre carrosse ; j’y monte avec vous. Nous nous expliquerons en chemin.

(il a paru hésiter. Il s’est agité ; il a plié ses manchettes, et tiré les nœuds de sa perruque).

Je ne retourne pas directement chez Miss Howe. Il serait aussi convenable, monsieur, que vous eussiez la bonté de me charger de vos explications. Quels sont donc ses scrupules, Monsieur Hickman ? Mais, monsieur, Miss Howe remarque dans les lignes qui sont de vous… permettez-vous que je les lise, monsieur ? J’en ai pris la copie. La voici (la tirant de sa poche). Vous commencez par, chère miss… je me flatte, M Hickman, que ce n’est pas l’offenser.

Non, monsieur, non ; pas la moindre offense. (il allait lire en effet). Vous servez-vous de lunettes, Monsieur Hickman ? De lunettes, monsieur (en me regardant, les yeux ouverts) ! Pourquoi cette question ? Se sert-on de lunettes à mon âge ? C’est l’usage d’Espagne à toutes sortes d’ âges, M Hickman. N’avez-vous pas lu prieur ? Je l’ai lu, monsieur. Chaque nation a ses usages ; mais vous savez que ce n’est pas celui d’Angleterre. Avez-vous jamais vu l’Espagne, Monsieur Hickman ? Non, monsieur. J’ai vu la Hollande. La Hollande, monsieur ! Jamais la France, ni l’Italie ? (j’étais résolu de voyager avec lui jusqu’à la Chine). Non, monsieur ; je n’ai point encore fait ce voyage. Je suis surpris, monsieur, qu’ayant passé la mer… quelques affaires m’avoient appelé à Roterdam. Je fus obligé de revenir presque aussi-tôt. Fort bien, monsieur. Vous alliez lire ; ayez la bonté de continuer. (il a remis son papier devant ses yeux ; et lisant ma première ligne, où je dis : après