Page:Richardson - Clarisse Harlove, II.djvu/419

Cette page n’a pas encore été corrigée

Vous voyez que j’aurai l’occasion de vous obliger. Mais faites attention que tout dépend de la fidélité de mes promesses. Gardez-vous de nuire à vos propres vues par une impatience hors de saison, et de me faire passer pour un perfide aux yeux d’une infortunée, à qui tous les hommes sont justement suspects. Je répète qu’à cette condition, vous pouvez attendre de moi tous les services de l’amitié.



M Belford, à M Lovelace.

mardi au soir, 18 de juillet. Je quitte Miss Harlove. On m’a fait entrer dans son antichambre, où je l’ai trouvée assise dans un fauteuil, le visage pâle, et les yeux fort abattus. Elle a fait un effort pour se lever ; mais n’ayant pu se soutenir : pardonnez, monsieur, m’a-t-elle dit. Je devrais être debout pour vous remercier de vos généreux soins. Mes forces pourront se rétablir. En vérité, je me trouve blâmable de m’être fait presser pour revenir ici. C’est un paradis, en comparaison du triste lieu dont vous m’avez tirée. Je ne vois que d’honnêtes gens autour de moi. Il y avait bien long-temps que j’avais cessé d’en voir. Je commençais à m’inquiéter, a-t-elle ajouté avec un sourire, de ce qu’ils pouvaient être devenus. La garde et Madame Smith, qui m’avoient introduit, ont eu la discrétion de se retirer. Lorsqu’elle s’est vue seule avec moi : vous paraissez, monsieur, a-t-elle repris, d’un caractère fort humain. Quelques mots, qui vous sont échappés dans ma prison, m’ont fait juger que ma triste histoire ne vous est pas inconnue. Si vous la savez en effet, vous conviendrez que j’ai été traitée avec beaucoup de barbarie, et par un homme de qui je ne le méritais pas. J’ai répondu que j’étais assez informé, pour la regarder avec toute la vénération qu’on a pour le mérite des saintes, et pour la pureté des anges ; et, qu’outre l’éclat naturel de ses perfections, j’avais pris cette opinion d’elle dans les récits mêmes de mon malheureux ami. Je lui ai parlé alors de votre désespoir, de votre repentir, de la résolution où vous êtes de réparer le passé par toutes les satisfactions qui sont en votre pouvoir ; et j’ai insisté fortement sur votre innocence à l’égard de sa dernière infortune. Ses réponses ont été nettes. " elle ne pouvait penser à vous sans peine. Les réparations étoient impossibles. La dernière violence dont je m’efforçais de vous justifier, n’était rien en comparaison de celles qui l’avoient précédée. Les premières étoient irréparables. Celle-ci pouvait recevoir des explications. Elle ne serait pas même fâchée de se voir convaincue que vous n’êtes pas capable de tant de bassesse. Cependant, après des lettres forgées, après de fausses suppositions de faits et de personnes, quelles noirceurs pouvaient vous effrayer " ? J’aurais souhaité de pouvoir m’étendre sur l’interrogatoire que vous avez soutenu dans votre famille ; sur la résolution que vous aviez prise de l’épouser, si vous aviez obtenu d’elle les quatre mots que vous désiriez ; sur l’ardeur avec laquelle tous vos parens souhaitent son alliance ; et sur la députation de vos deux cousines, pour engager Miss Howe dans vos intérêts. Mais, lorsque j’ai commencé à toucher tous ces points, elle m’a dit, en m’interrompant, que cette cause était devant un autre tribunal ; que c’était le sujet des dernières lettres de Miss Howe, et qu’elle se proposait de lui marquer là-dessus ses idées, aussitôt que ses forces le permettroient. Je suis revenu à vous justifier particulièrement sur sa dernière aventure, avec d’autant plus d’espérance de succès, qu’elle paraissait souhaiter