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Se tournant ensuite vers l’archer : M Rowland, (il me semble que c’est votre nom) je me trouve moins mal chez vous que je ne me le suis figuré. Si vous pouviez seulement m’assurer que je n’y verrai que votre épouse, sur-tout aucun homme, ni aucune des femmes qui se sont fait un jeu de mes malheurs, j’attendrai volontiers la mort dans cette chambre obscure ; et vous serez récompensé quelque jour de l’embarras que je vous ai causé. Il me reste de quoi payer vos soins. J’ai un diamant d’assez grand prix, et des amis qui le rachéteront lorsque j’aurai quitté cette vie. Pour vous, monsieur (en s’adressant à moi) je vous supplie de vous retirer. Si vos intentions sont honorables, je prie le ciel de ne les pas laisser sans récompense. Mais je ne veux avoir aucune obligation à l’ami de mon destructeur. Je lui ai protesté qu’elle n’en aurait à personne ; qu’étant arrêtée pour une somme qu’elle ne devait pas, elle ne tiendrait sa liberté que des loix et de la justice ; que l’action était levée ; que je n’étais conduit que par les principes communs de la politesse et de l’humanité ; que je lui offrais seulement la main, pour la faire monter dans un carrosse, qui l’attendait aussi près que j’avais pu le faire avancer ; que je disparaîtrais aussi-tôt, à moins qu’elle ne m’accordât la liberté de l’accompagner, pour la conduire en sûreté jusqu’au lieu qu’il lui plairait de nommer. Elle m’a regardé ici avec plus d’attention, et me voyant encore à genoux ; ah ! Monsieur, pourquoi cette humble posture ? Levez-vous si vous souhaitez que je m’explique. Je me suis levé. Vous voulez donc, a-t-elle repris, que je sois redevable de quelque chose à votre humanité ? Eh bien, prenez cette bague. J’ai une sœur qui l’achètera volontiers au prix qui lui sera proposé, par considération pour la main de qui je l’ai reçue. De la somme, que M Rowland soit honnêtement payé ; et que le reste, joint à celle qu’on pourra faire de mes habits, de mon linge et de quelques autres effets précieux, qui sont encore dans mon premier logement, soit employé à m’acquitter de la dette pour laquelle on m’a fait arrêter, en réservant le peu qui sera nécessaire pour les frais de ma sépulture. Dites à votre ami, que, si cet argent ne suffit pas, il doit y suppléer ; à moins qu’il ne lui convienne mieux de s’adresser à Miss Howe, qui ne se fera pas presser pour me rendre ce bon office. C’est sur ce point, monsieur, que j’accepte l’offre de vos services. Prenez la bague, et faites-moi la grâce de vous retirer. Vous paroissez capable de pitié. Si j’ai quelque chose de plus à vous communiquer, je ne ferai pas difficulté de vous faire avertir. J’ai voulu répondre. Elle m’a conjuré de ne pas ajouter un mot ; et, sur le refus que j’ai fait de prendre son diamant, elle l’a mis sur la table. Vous me refusez, m’a-t-elle dit, un service que je ne vous aurais pas demandé, s’il me restait quelqu’un de qui je pusse l’espérer. Mais, quelque parti que vous preniez là-dessus, retirez-vous. Je suis fort mal. J’ai besoin d’un peu de repos. Je crois même sentir que mes forces m’abandonnent. Elle a fait un effort pour se lever ; mais sa foiblesse augmentant tout d’un coup, elle est tombée à mes pieds, sans connaissance. Lovelace, Lovelace ! Que n’étais-tu présent ? Pourquoi t’es-tu rendu si coupable, que tu craigne de te montrer au jour ? Et pourquoi charges-tu néanmoins, de ton rôle, un cœur et une tête bien plus foibles ? La femme de Rowland a fait monter sa servante. Elles l’ont portée ensemble sur le misérable lit ; et je suis descendu avec l’archer, qui, pleurant comme un enfant, m’a confessé qu’il n’avait jamais été si touché. Pendant qu’on s’employait à la secourir, je me suis soulagé, en accablant ta Sinclair de malédictions. Elle était venue lever la procédure. Il n’a tenu à rien que je n’aie