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abreuvoir, et qu’on eût trouvé Dorcas pendue avec sa jarretière à la quenouille de son lit, que cela ne te surprenne point. Je ne vois de tranquille que le brave Belford, qui reçoit les dépositions, les accusations, les confessions, et qui verbalise avec l’air important d’un commissaire de quartier. Son dessein, je suppose, est de t’informer de toutes les circonstances. Je prends beaucoup de part à ta peine. Belton en fait autant. Mais l’aventure peut tourner à ton avantage ; car j’apprends que la belle est partie avec ta marque. Petite folle ! Quel remède espère-t-elle de sa fuite ? Personne ne la voudra regarder. On m’assure ici que tu étais résolu d’en faire ta femme ; mais je te connais trop bien. Adieu, cher camarade. Si ton oncle voulait mourir à présent, pour te consoler de cette perte, il serait un galant homme. écris-nous, je t’en prie. Belford, qui reçoit tous les jours de tes lettres, ne nous montre rien. Tout à toi du fond du cœur.



M Belford, à M Lovelace.

jeudi, 29 de juin. Tu as su de Mac-Donald et de Mowbray, le fond de la nouvelle : bonne ou mauvaise, je ne sais quel nom tu lui donnes ; mais je souhaiterais d’avoir eu le même récit à te faire avant que cette malheureuse fille eût été tirée d’Hamstead par tes infernales séductions : tu n’aurais pas une noire et ingrate bassesse à te reprocher. Je suis venu à la ville, dans l’unique vue de te servir auprès d’elle, comptant que tes premiers avis me mettraient en état de m’employer avec honneur ; et lorsque je l’ai trouvée partie, j’ai plaint à demi ta situation ; car te voilà infailliblement découvert : et sous quel exécrable jour vas-tu paroître aux yeux du public ? Pauvre Lovelace ! Pris dans tes propres piéges, comme tu le disais toi-même, ta punition ne fait que commencer. Mais je viens à ma narration. Tu attends de moi sans doute toutes les circonstances de l’aventure, puisque Mowbray t’a marqué que j’ai pris soin de les recueillir. Il paraît que le glorieux triomphe qu’elle avait remporté vendredi avait coûté quelque chose à sa santé ; car elle ne s’était laissé voir de personne jusqu’à samedi au soir ; et Mabel étant entrée alors dans sa chambre, l’avait trouvée fort mal. Mais dimanche au matin s’étant habillée, comme dans le dessein d’aller à l’église, elle donna ordre à cette fille de lui faire venir un carrosse. Mabel lui répondit qu’elle avait ordre de lui obéir en tout, excepté sur cet article. Elle fit venir Will, qu’elle chargea de la même commission, et qui s’excusa aussi sur un ordre opposé qu’il avait reçu de son maître. Quelques momens après, elle descendit seule pour sortir sans être observée. Mais trouvant la porte de la rue fermée à double tour, elle entra dans le parloir voisin, apparemment pour implorer par la fenêtre le secours des passans. Elle trouva que, depuis la dernière entreprise de cette nature, les volets intérieurs avoient été cloués. Là-dessus, elle alla droit au parloir de Madame Sinclair, qui s’y promenait avec ses deux compagnes, et, d’un air ferme, elle la pria de lui donner la clef de la rue, ou de