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belle retire sa main ; si c’est inutilement que je tends la mienne ; que puis-je de plus ? Je lui écris encore une fois. Si son obstination et son silence continuent après cette lettre, ses reproches ne doivent tomber que sur elle-même. Mais, après tout, mon cœur est entièrement à elle. Je l’aime au-delà de toute expression, et je ne puis m’en défendre. Ainsi j’espère qu’elle recevra ces dernières instances aussi favorablement que je le désire. J’espère qu’après avoir reconnu le pouvoir qu’elle a sur moi, elle ne prendra pas plaisir, comme une femme ordinaire, à me chagriner, à me tourmenter par des affectations et des caprices. Veut-elle me faire grâce, pendant que j’écoute mes remords ? Quoique je dédaigne d’entrer en conditions avec toi pour ma sincérité, toutes les épreuves finiront ; je n’épargnerai rien pour la rendre heureuse : car, plus je me rappelle tout ce qui s’est passé entr’elle et moi, depuis le premier moment de notre liaison, plus je suis forcé de reconnaître qu’elle est la vertu même, et qu’il n’y en eut jamais d’égale à la sienne. Lorsque tu me proposes de lui laisser le choix d’un autre jour, considères-tu qu’il est impossible que mes inventions et mes ruses demeurent cachées plus long-temps ? C’est ce qui me rend si pressant pour jeudi ; d’autant plus que je m’en suis fait comme une nécessité par les suppositions qui regardent son oncle. Si je reçois quatre mots de sa main, il n’y a point d’obstacle ni de fatigue qui puisse m’empêcher d’arriver jeudi ; et, quand il serait trop tard pour l’heure canonique à l’église, son appartement ou tout autre conviendra également à la scène. Il n’en coûtera que de l’argent, et je ne l’ai jamais épargné pour elle. Pour te faire connaître que je ne te veux aucun mal, je t’envoie la copie de deux lettres ; l’une pour elle : c’est la quatrième, et ce sera nécessairement la dernière ; l’autre pour le capitaine Tomlinson, tournée comme tu verras, de manière qu’il puisse la lui montrer. à présent, Belford, soit que tu prennes part, ou non, à la conclusion de notre histoire, tu connais mes intentions.



M Lovelace, à Miss Clarisse Harlove.

au château de M, mercredi, à une heure du matin. Pas une ligne, ma très-chère vie, pas un mot de réponse à mes trois lettres ! Il reste si peu de tems que celle-ci est absolument la dernière que vous puissiez recevoir avant l’heure importante qui doit nous unir par des nœuds légitimes. M Belford appréhende que ses propres affaires ne lui laissent pas la liberté de vous voir assez tôt. Je regrette d’autant moins ce contre-tems, que je me suis assuré d’une autre personne dont j’espère que la visite vous sera plus agréable. C’est le capitaine Tomlinson, à qui j’avais écrit dans cette vue, avant que d’avoir reçu la réponse de M Belford. Je souhaitais particulièrement de l’engager à vous voir aujourd’hui, comme un prélude naturel de l’office qu’il doit exercer demain. Cette espérance l’obligeant de se rendre ce soir à Londres, je l’ai informé des termes où j’ai le malheur d’être avec vous ; et je l’ai supplié de me faire connaître, dans cette occasion que j’ai autant de part que votre oncle à son amitié, puisque le traité doit être rompu, s’il ne peut rien obtenir de vous en ma faveur.