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Monsieur ! Monsieur !… qu’on m’appelle Dorcas, me suis-je écrié du haut de l’escalier, dans une horrible fureur, et prêt à perdre la respiration. La malheureuse s’est présentée, mais tremblante, et se gardant bien de s’approcher trop, après le récit que Will lui avait fait de mon emportement. J’ai tiré l’épée, que j’avais prise dans le premier mouvement de ma rage ; j’ai vomi cent imprécations contre une infame traîtresse. Elle s’est réfugiée à la porte de sa maîtresse. Mon dieu ! Mon dieu ! S’est écrié Will, en me retenant le bras, lorsque je voulais la frapper au passage. Je l’ai repoussé de toute ma force ; et lui donnant un grand coup du plat de mon épée : prends cela, maraud, pour avoir dérobé une perfide à ma vengeance. Deux ou trois des femmes sont montées en confusion. Quoi donc ? Quoi ? Qu’est-il arrivé ? (j’ai entendu ma charmante, qui, loin d’ouvrir sa porte, poussait un verrou de plus pour la fermer.) ce qui est arrivé ! Cette abominable Dorcas… qu’on m’appelle sa tante. Qu’elle vienne voir à quelle traîtresse elle m’a livré. Je veux qu’elle me l’amène elle-même ; qu’elle me fasse justice d’une misérable qui se laisse corrompre par des pensions, pour éterniser les querelles entre un mari et sa femme, et pour me faire perdre à jamais tout espoir de réconciliation. Que je périsse, Belford, si j’ai le courage de continuer les circonstances de cette farce. La tante est montée en soufflant. Sur sa part de paradis, m’a-t-elle dit en joignant les mains, elle n’avait aucune part à ce qui s’était passé. De sa vie, elle n’avait connu une femme plus malicieuse et plus intrigante que la mienne. Il n’était pas surprenant qu’il y eût si peu de domestiques fidèles, lorsque des dames de cette qualité ne faisaient pas scrupule de les corrompre. Elle ne me demandait pas grâce pour l’infame créature. Elle la renonçait pour sa nièce, s’il était vrai qu’elle fût capable d’une trahison. Mais quelle était la preuve ? Je lui ai fait voir le papier. Alors, devenant aussi furieuse que moi, il n’y a pas d’injures et de malédictions qui ne soient sorties de sa bouche. Je suis rentré dans ma chambre, avec grand soin de tenir la porte ouverte, pour donner passage au bruit et aux voix dans le corridor. Qu’on me l’amène, ai-je dit (d’un ton que j’ai cru propre à me faire entendre de ma charmante) ; qu’elle paroisse devant son juge. Je veux tirer la vérité d’elle-même ; je veux savoir qui a fait les premières avances. Elle est venue entre deux femmes, qui l’ont arrachée de son asile. En marchant, elle implorait ma bonté, celle de sa tante, et la pitié de toute la maison. Elle tremblait, disait-elle, de paraître devant moi. En effet, lorsqu’elle est entrée dans ma chambre, où la Sinclair m’avait suivi, ce vieux démon, qui avait affecté de baisser un peu la voix dans le corridor, s’est livrée à toute sa furie. Nous avons commencé une scène que j’ai honte moi-même de te représenter. Elle a duré plus d’une heure. Dorcas fondant en larmes, et refusant d’expliquer le fond du mystère, sous prétexte que son honneur et son affection ne lui permettaient pas d’exposer sa chère maîtresse, je me flattais qu’une généreuse compassion pourrait engager ma charmante à venir prendre sa défense. Après avoir perdu cette espérance, Sally a proposé audacieusement de confronter la perfide avec sa maîtresse. Sans doute, a interrompu la vieille mégère, en applaudissant. Si madame est aussi remplie d’honneur que nous l’avons toujours supposé, elle paroîtra