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genoux par le trou de la serrure, priant sans doute pour son heureuse délivrance. Et pourquoi ? D’où vient cette fâcheuse agonie ? Que veux-tu ? Cette Miladi Lawrance ayant quelques ordres à donner avant que de partir pour Hamstead, a repris le chemin de sa maison dans son carosse ; et Miss Montaigu, qui devait l’attendre ici, est montée avec elle, sous prétexte d’aller prendre ses habits de nuit, et d’autres commodités, sans lesquelles on ne passe point la nuit hors de chez soi. Je ne suis pas moins étonné que ma charmante de ne pas les voir revenir. J’ai envoyé savoir ce que signifie ce retardement. Dans le trouble de ses esprits, Miss Clarisse souhaiterait que j’y fusse allé moi-même. J’ai beaucoup de peine à la calmer : cette fille est insupportable. Je ne sais d’où viennent ses craintes. Je maudis le délai de mes deux parentes, et la lenteur de mon laquais, qui se fait attendre aussi. Que le diable les emporte ! Ai-je déjà dit vingt fois. Qu’elles envaient leur carrosse, et nous partirons sans elles. J’ai même ordonné au messager de le dire à Miladi Lawrance, et j’ai eu soin que ma charmante pût l’entendre. Je dis à présent que peut-être s’arrête-t-il pour nous amener la voiture, s’il est survenu quelque chose qui ne permette point aux dames d’accompagner aujourd’hui ma charmante. Je ne cesse point de les donner au diable. Elles avoient promis de ne pas s’arrêter, parce qu’il n’y a pas deux jours qu’un carrosse fut volé au pied de la coline de Hamstead ; ce qui a fort alarmé ma chère Clarisse lorsqu’on lui a fait ce récit. Mais je vois revenir mon laquais, avec un billet de ma tante. à M Lovelace.

lundi au soir. Faites agréer nos excuses, je vous en supplie, mon cher neveu, à ma très-chère et très-aimable nièce : une nuit ne changera rien à nos arrangemens. Depuis notre arrivée, Miss Montaigu s’est évanouie trois fois successivement. L’excès de sa joie, je m’imagine, d’avoir trouvé votre chère dame si supérieure à notre attente, et son empressement trop vif pour la rejoindre, ont causé ce fâcheux contre-tems. Pauvre Charlotte ! Malgré son air de santé, vous savez qu’elle est très-foible. Si la force lui revient, nous irons certainement vous prendre demain, après notre déjeûner. Mais soit qu’elle soit mieux ou non, je ne perdrai pas le plaisir de conduire votre chère dame à Hamstead, et je serai demain chez vous, dans cette vue, avant neuf heures du matin. Mille complimens, tels que je les dois, au digne objet de vos affections. Je suis votre affectionnée, etc. élizabeth Lawrance. De bonne foi, Belford, je ne sais plus où j’en suis moi-même ; car, à ce moment, ayant fait porter ce billet en haut par Dorcas, ma chère Clarisse est sortie de sa chambre, le billet à la main, dans un véritable accès de frénésie. Elle s’était plainte aujourd’hui d’un grand mal de tête. Dorcas est venue me dire, hors d’haleine, que sa maîtresse descendait dans quelque étrange dessein ; mais elle n’a pas eu le temps d’achever. J’ai su depuis qu’après avoir lu le billet, elle s’était écriée d’un ton lamentable : c’est à présent que je suis perdue ! ô malheureuse Clarisse ! dans le même transport, elle a déchiré sa coëffure et ses manchettes. Elle a demandé où j’étais ; et se précipitant sur l’escalier, elle est entrée dans le parloir, ses beaux cheveux flottant sur ses épaules, ses manchettes en pièces sur ses mains, les bras étendus, et les yeux si égarés, qu’ils paroissaient prêts à sortir de leur orbe. Elle s’est jetée à mes pieds ; et