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a donné ses ordres pour un souper chez Madame Moore. Tous les appartemens de la maison doivent être remplis par les deux dames et par leur suite (avec ma permission, comme tu te l’imagines ; car ils m’appartiennent pour un mois). Elles se proposent d’y demeurer huit jours au moins, ou jusqu’à ce qu’elles aient obtenu de la charmante rebelle le pardon qu’elles lui demandent pour moi, et d’accompagner Miladi Lawrance dans Oxsorshire. La chère personne s’est laissée amener à ces termes ; elle a promis d’écrire à Miss Howe pour l’informer de toutes les circonstances de sa situation. S’il sort quelque lettre de ses belles mains, tu ne doutes pas que mon génie ne m’apprenne ce qu’elle aura écrit. Mais je suis trompé s’il ne lui prépare pas d’autres occupations. Miladi Lawrance répète à chaque moment qu’elle est sûre de ma grâce, quoiqu’elle ose dire que je n’en suis pas digne. " miladi est trop délicate pour souhaiter des détails sur la nature de mon offense : mais une action qui excite de si vifs ressentimens, doit être une offense contr’elle-même, contre Miss Montaigu, contre toutes les personnes vertueuses de leur sexe. Cependant elle ne cessera point de demander grâce pour moi : elle ne se relâchera point jusqu’à l’heureux jour où, pour mon honneur et pour celui de ma famille, elle nous verra recevoir secrètement la bénédiction du mariage. Jusqu’à ce tems, elle approuve l’expédient de M Jules Harlowe ; et devant les étrangers, elle traitera son incomparable nièce comme ma femme. Stedman, son solliciteur, peut venir prendre ses ordres à Hamstead pour l’affaire qu’elle plaide à la chancellerie ; elle ne se privera point une heure de la compagnie et de l’aimable entretien d’une si chère nièce : elle lui proposera même de monter en carosse pour aller voir à Londres notre cousine Miladi Lesson , qui est dans une mortelle impatience de la connaître. Mais quels seront les ravissemens de Milord M lorsqu’il aura la satisfaction de l’embrasser, et de la nommer sa nièce ! Que Miladi Sadleir va se croire heureuse ! La perte de sa fille, qu’elle pleure si amèrement, lui paraîtra bien avantageusement réparée. " Miss Montaigu s’arrête sur chaque mot qui tombe de ses lèvres. " elle adore parfaitement sa nouvelle cousine ; car il faut qu’elle soit sa cousine, et rien ne l’empêchera de lui donner ce nom. Elle répond d’une admiration égale dans Miss Patty, sa sœur. " oui, dis-je, la larme à l’œil, (assez haut pour être entendu) que cette pauvre Patty va se trouver attendrie à la première entrevue ! Quel charme pour elle de voir paraître une cousine si long-temps promise, avec un air si gracieux ! Si noble ! Si naturel ! " heureuse, heureuse famille ! Nous écrions-nous ensemble. " en un mot, la joie et les transports règnent ici comme à Hamstead : tout le monde est dans l’ivresse, à l’exception de ma bien-aimée , sur le visage de laquelle on voit, au milieu de ses charmes, un air d’inquiétude, et quelques traces de la répugnance extrême qu’elle a marquée pour venir prendre elle-même son linge et ses habits dans cette maison. Il me semble, Belford, que la pitié cherche à me surprendre. Mais loin, loin, mouvemens hors de saison, qui m’avez déja perdu plus d’une fois. Adieu, réflexion ; adieu, remords, égards, compassion : je vous congédie tous au moins pour huit jours. Souviens-toi, Lovelace, de la parole qu’elle a violée, de sa fuite dans un temps où ta folle tendresse t’inclinait à la