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de scélérats tels que lui, prêts à se soutenir mutuellement dans tous leurs attentats. Cependant, comme M Hickman aurait pu se fortifier du secours de la justice, je ne me serais pas opposée à ses desseins, s’ils avoient pu s’exécuter sans un éclat scandaleux, qui aurait pu faire donner à votre aventure des explications choquantes pour votre délicatesse : et si je n’avais cru voir, avec toute sorte de vraisemblance, que, par le moyen de Madame Towsend, tout peut être ménagé avec moins de bruit et plus de certitude. Madame Towsend se rendra elle-même auprès de vous ; et dès mercredi, suivant ses espérances. Ses frères et quelques-uns de leurs gens seront dispersés aux environs, comme s’ils ne vous connaissaient pas ; non-seulement pour vous escorter à Londres, mais pour vous conduire ensuite jusqu’à sa maison de Depfort. C’est l’arrangement que nous avons pris ensemble. Elle a, dans le même bourg, une proche parente, qui recevra vos ordres, s’il arrive qu’elle soit forcée de vous quitter. Vous pourrez attendre, dans cette retraite, que la première furie de votre misérable se soit rallentie, et qu’il ait fini ses recherches. Il ne tardera point à se rendre coupable de quelque nouvelle infamie, qui comblera peut-être la mesure, et qui le fera condamner au supplice. On pourra publier que vous êtes allée réclamer la protection de votre cousin Morden à Florence ; et s’il peut se le persuader, il sera capable de prendre le chemin de l’Italie, pour suivre vos traces. Ensuite je n’aurai pas de peine à vous procurer un logement dans quelqu’un de nos villages voisins, où j’aurai le bonheur de vous voir tous les jours ; et si cet Hickman continue d’être moins insupportable, ou si ma mère ne fait pas des choses étonnantes, je penserai d’autant plutôt au mariage, que je serai libre alors de recevoir et d’entretenir à mon aise les délices de mon cœur. Que de jours heureux nous passerons ensemble ! Et comme c’est ma plus douce espérance, je me flatte aussi que ce sera votre consolation. à l’égard de votre terre, puisque vous êtes résolue de ne pas employer l’autorité des loix, nous prendrons patience jusqu’à l’arrivée du colonel Morden, ou jusqu’à ce que la honte rappelle certaines gens à la justice. Tout considéré, je suis portée à vous croire beaucoup plus heureuse dans vos nouvelles vues, que vous n’auriez jamais pu l’être en épousant votre monstre. Ainsi je vous félicite d’être échappée, non-seulement à un horrible libertin, mais au plus vil des maris, tel qu’il le sera pour toute femme au monde, sur-tout pour une personne de votre délicatesse et de votre vertu. Vous le haïssez à présent, et du fond du cœur ; je n’en doute plus ma chère. Il serait bien étrange qu’un cœur aussi pur que le vôtre n’abhorrât point ce qui lui est le plus opposé. Dans votre billet, vous me parlez d’un autre que vous ne m’avez écrit que par feinte. Je ne l’ai pas reçu ; d’où vous devez conclure qu’il est tombé entre ses mains : et s’il s’en est saisi, nous sommes fort heureuses qu’il n’ait pas intercepté de même ma longue lettre de mercredi. Remercions-en le ciel, et de ce qu’elle est allée si heureusement jusqu’à vous. Vous recevrez celle-ci par les mains d’un jeune-homme, fils d’un de nos fermiers, à qui j’ai recommandé de ne la remettre qu’à vous. Il doit revenir sur le champ, si vous le chargez de quelque chose pour moi : sinon, il passera par Londres, qu’il n’a jamais vu. C’est un garçon simple, mais fort honnête, à qui vous pouvez parler librement. Si vous ne pouvez m’écrire par cette occasion, ne tardez point à me donner de vos nouvelles par quelqu’autre voie. Ma mère ignore que je vous envoye ce messager.