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parloir voisin, indéterminés encore sur le sujet de notre amusement. J’ai entendu le discours du messager. ô ma chère Madame Bévis ! Ai-je dit à la veuve, je suis perdu, perdu sans ressource, si vous ne me prêtez pas votre secours. Voilà certainement un exprès de cette implacable Miss Howe, avec une lettre. Si Madame Lovelace la reçoit, nous perdons le fruit de toutes nos peines. Que demandez-vous de moi ? M’a-t-elle répondu, de la meilleure grâce du monde. Je l’ai conjurée d’appeler à l’instant la servante, pour lui donner mes instructions. Cette fille est venue. Peguy, lui ai-je demandé, quelle réponse avez-vous faite à la porte ? J’ai demandé seulement, monsieur, de quelle part ; car votre valet de chambre m’a dit de quoi il était question, et je suis venue à la voix de madame, avant que le garçon m’ait répondu. Fort bien, ai-je repris. Si vous souhaitez jamais, mon enfant, d’être vous-même heureuse en mariage, et qu’on s’oppose aux méchans qui voudraient semer la discorde entre vous et votre mari, il faut que vous tiriez de ce garçon sa lettre ou son message, que vous me l’apportiez ici, et que Madame Lovelace n’en sache rien à son retour. Voilà une guinée pour vous. Peguy a reçu ma guinée, quoiqu’elle fût prête à me servir pour rien, m’a-t-elle dit, parce que M Will l’avait assurée que j’étais un bon maître. Elle est retournée à la porte. Elle a demandé au messager quelle affaire il avait avec Madame Henriette Lucas ; et j’ai entendu ce garçon qui lui répondait : je veux lui parler à elle-même. Ma très-chère veuve, ai-je dit aussitôt à Madame Bévis, faites-vous passer pour Madame Lovelace ; je vous en prie, au nom du ciel. Passez pour Madame Lovelace. Vous n’y pensez pas, m’a-t-elle répondu. Madame Lovelace est d’une blancheur éclatante ; j’ai le teint brun. Elle a la taille menue, et je suis assez replète. N’importe, n’importe, madame. Le messager peut être un nouveau domestique. Je vois qu’il n’a pas de livrée. Vraisemblablement il n’a jamais vu ma femme. Vous vous direz malade, menacée de l’hydropisie. Peguy, Peguy, ai-je crié doucement, en prenant la voix d’une femme. Peguy m’est venue parler à la porte de la chambre. Je lui ai donné ordre de dire au messager que Madame Lucas se portait mal, et qu’elle s’était assoupie sur un lit de repos. Tirez, ai-je ajouté, tout ce que vous pourrez de lui. Peguy n’a pas manqué de m’obéir. à présent, ma chère veuve, étendez-vous sur le lit de repos ; couvrez-vous le visage de votre mouchoir, afin que, s’il s’obstine à vouloir vous parler, il ne puisse voir vos yeux ni vos cheveux. Bon, fort bien. Je passerai dans le cabinet. Peguy nous est revenu dire qu’il refusait de lui confier sa lettre, et qu’il voulait parler à Madame Lucas elle-même. J’ai ouvert le cabinet. Faites-le venir : dites-lui que voilà Madame Henriette Lucas. S’il marque du doute, ajoutez qu’elle est assez mal, et qu’on craint pour elle une véritable hydropisie. Peguy nous a quittés. Voyons, chère veuve, comment vous allez faire une charmante Madame Lovelace. Demandez-lui s’il est envoyé par Miss Howe ? S’il lui appartient ? Comment elle se porte ? N’oubliez pas de la nommer, à chaque mot, votre chère Miss Howe. Offrez de l’argent. Prenez cette demi-guinée. Plaignez-vous d’un mal de tête, pour avoir occasion de la tenir baissée ; et couvrez d’une main la partie de votre visage qui ne sera pas cachée de votre mouchoir. Oui, fort bien, on ne saurait mieux. J’entends le coquin. Hâtez-vous de le congédier. Il est entré,