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résolue de rompre avec lui, vous vous fissiez de nouveaux droits sur sa reconnaissance, en excitant votre générosité naturelle à lui pardonner. Elle est demeurée en silence. Le Capit. votre père et votre mère, madame, déplorent la perte d’une fille que votre générosité peut leur rendre. Ne les exposez pas au double malheur qu’ils ont à redouter ; celui de perdre, avec leur fille, un fils qui est capable de leur causer ce nouveau sujet d’affliction par sa propre violence. Elle a paru méditer. Elle a pleuré. Elle est convenue qu’elle sentait la force de cet argument. (ce maraud-là sera mon sauveur, ai-je dit en moi-même). Le Capit. permettez-moi, madame, de vous faire remarquer qu’il ne me serait pas difficile, si vous l’exigiez absolument, d’engager votre oncle à se rendre secrétement à Londres, pour vous donner à M Lovelace de sa propre main. Je suppose cependant que ce fâcheux démêlé n’ait point été jusqu’à lui. Clar. mais qu’ai-je tant à redouter de mon frère ? Je me plains de ses injures : peut-il se plaindre des miennes ? Implorerai-je la protection de M Lovelace contre mon frère ? Et qui me protègera contre M Lovelace ? Le cruel ! L’ingrat ! D’insulter une malheureuse fille qu’il a privée lui-même de tous ses protecteurs et de tous ses amis ! Non, non, il ne m’est plus possible de le voir du même œil ; il n’aura plus rien à démêler avec moi. Qu’il me quitte. Que mon frère me découvre. Je n’ai pas le cœur assez foible pour craindre la vue d’un frère qui n’a pas cessé de m’injurier. Le Capit. si votre frère ne paroissait que pour conférer avec vous, pour vous faire des reproches, pour éclaircir des difficultés, j’en jugerais fort différemment. Mais quel succès devez-vous attendre d’une entrevue (M Solmes présent) dans laquelle votre frère apprendra que vous n’êtes pas mariée, et que vous êtes résolue de ne jamais prendre M Lovelace ? Encore faut-il supposer que M Lovelace ne troublera pas votre conférence ; ce que vous ne sauriez vous promettre. Clar. ce que je puis dire, ce que je vois de plus clair, c’est que je suis très-malheureuse. Je dois me soumettre aux dispositions de la providence, et supporter patiemment des maux que je ne puis éviter. Mais j’ai pris mes mesures : M Lovelace ne peut jamais faire mon bonheur, ni espérer de moi le sien. Je n’attends ici qu’une lettre de Miss Howe, qui achèvera de me déterminer. De vous déterminer à l’égard de M Lovelace ? A interrompu le capitaine. Clar. je suis déterminée par rapport à lui. Le Capit. si ce n’est pas en sa faveur, madame, j’ai fini mon rôle. Envain chercherais-je des raisons plus puissantes que celles dont je viens de vous entretenir ; il y aurait de l’indiscrétion à les répéter. Si vous ne vous sentez pas disposée à pardonner, il faut que l’offense ait été plus grave que M Lovelace ne le reconnaît. Mais, dans cette supposition, madame, ayez la bonté de me dicter la réponse que je dois faire à votre oncle. Vous avez eu celle de me dire que ce jour finirait ce que vous nommez mes peines : je les aurais crues dignes d’un meilleur nom, si j’avais pu servir à réconcilier des personnes que j’honore du fond du cœur. (ici, mon cher Belford, je suis entré d’un air grave.) Lovel. capitaine, je viens d’entendre une partie de vos explications avec cette adorable personne, dont l’unique défaut est d’avoir un cœur implacable ; je suis pénétré de son obstination. Non, je n’aurais pas