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vous apprendre ce qui, tout d’un coup, a la force de m’arrêter ? Ainsi, ma chère, j’aime mieux, comme vous voyez, me reposer sur votre discrétion, que de feindre des raisons dont vous ne seriez pas satisfaite, et qui, ne vous empêchant point de vouloir pénétrer le fond du mystère, me feraient enfin passer à vos yeux pour une amie capable de réserve ; sans compter que vous auriez quelque sujet de vous croire blessée, si je ne vous supposais pas assez de prudence pour recevoir le dépôt de la vérité nue. Je répète que mes affaires n’ont point une mauvaise face. La maison sera louée incessamment. Les femmes de celle-ci sont fort respectueuses, malgré ma délicatesse à l’égard de Miss Partington. Miss Martin, qui doit se marier bientôt avec un riche marchand du strand, est venue me consulter aujourd’hui sur quelques belles étoffes qu’elle veut acheter à cette occasion. La veuve est moins rebutante qu’elle ne me l’a paru la première fois. M Lovelace, à qui je n’ai pas dissimulé que ses quatre amis ne sont pas de mon goût, m’assure que ni eux ni d’autres, ne paraîtront devant moi sans ma permission. Si je rassemble toutes ces circonstances, c’est pour mettre en repos votre cœur tendre et obligeant, dans la vue de rendre votre soumission plus facile à l’ordre de votre mère, et dans la crainte qu’on ne m’accuse de vous enflammer , moi qui suis, avec des intentions bien différentes, ma très-chère et très-aimable amie, votre fidèle et dévouée,

Cl Harlove.



Miss Howe à Miss Clarisse Harlove.

mercredi, 3 mai. Il me paraît bien étonnant que ma mère ait été capable d’une si étrange démarche, uniquement pour exercer mal-à-propos son autorité, et pour obliger des cœurs durs et sans remords. Si je crois pouvoir vous être utile par mes conseils ou par mes informations, vous imaginez-vous que je balance jamais à vous les donner ? M Hickman, qui croit entendre un peu les cas de cette nature, est d’avis que je ne dois pas abandonner une correspondance telle que la nôtre. Il est fort heureux de penser si bien ; car, ma mère ayant excité ma bile, j’ai besoin de quelqu’un que je puisse quereller. Voici ma résolution, puisqu’il faut vous satisfaire. Je me priverai de vous écrire pendant quelques jours, s’il n’arrive rien d’extraordinaire, et jusqu’à ce que l’orage soit un peu appaisé. Mais soyez sûre, que je ne vous dispenserai pas de m’écrire. Mon cœur, ma conscience, mon honneur s’y opposent. Mais comment ferai-je ici ? Comment ? Rien ne m’embarrasse moins ; car je vous assure que je n’ai pas besoin d’être poussée beaucoup pour prendre secrètement la route de Londres ; et si je m’y détermine, je ne vous quitterai qu’après vous avoir vue mariée, ou tout-à-fait délivrée de votre fléau ! Et, dans ce dernier cas, je vous emmène avec moi, en dépit de tout l’univers ; ou, si vous refusez de venir, je demeure avec vous, et je vous suis comme votre ombre. Que cette déclaration ne vous effraie point. Il n’y a qu’une considération