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Hamstead, vendredi au soir. Mon éternelle amie, quelques lignes seulement (jusqu’à ce que mes esprits soient plus calmes et mes doigts plus tranquilles, et jusqu’à ce que je sois assez remise du trouble où m’ont jeté vos informations) pour vous apprendre que votre lettre est venue heureusement jusqu’à moi. Au retour de mon messager, j’ai envoyé sur le champ chez Wilson. Grâces au ciel, elle y était encore. Puisse le ciel vous récompenser de toutes les peines que je vous ai causées, et de vos tendres intentions pour une amie qui sera toujours entièrement à vous. Il m’en a coûté assez de peine pour rendre mon imitation si exacte, que je me flatte de ne pouvoir être soupçonné. D’ailleurs, j’espère que Miss Howe accordera quelque chose au trouble des esprits et au tremblement des doigts. J’ai fait réflexion aussi que ce billet ne pouvait arriver trop tôt, et je l’ai dépêché par un des gens de Mowbray. Le moindre délai, comme tu penses, aurait causé de l’inquiétude à Miss Howe, qui l’aurait communiquée à son amie ; et, peut-être, elle à moi, d’une manière qui ne m’aurait pas plu. Tant de peine, répéteras-tu, pour une simple fille ! Oui, Belford ; mais cette fille, n’est-ce pas Clarisse ? Et qui sait si, pour me récompenser de ma persévérance, la fortune ne m’amènera pas son amie ? On a vu des événemens moins vraisemblables. Ne doute pas du moins que, si je l’entreprends, je ne la fasse tomber dans mes filets.



M Lovelace, au même.

samedi, à huit heures du matin. Je reviens de chez Madame Moore, où j’étais allé pour recevoir les ordres de ma charmante ; mais sa porte ne s’est pas ouverte pour moi. Elle a passé une fort mauvaise nuit. Il ne faut pas douter qu’elle ne regrette d’avoir poussé trop loin ses ressentimens, comme je dois regretter de n’avoir pas fait un meilleur usage de la nuit du mercredi. Faisons, Belford, une petite revue de ma situation, et des nouveaux soins de ma prudence. J’ai vu ce matin les femmes, et je les trouve moitié incertaines, moitié résolues. Le frère de Miss Rawlings lui reproche de n’avoir plus d’autre maison que celle de Madame Moore. Madame Moore ne peut faire un pas sans Miss Rawlings. Quoiqu’il ne me soit pas permis de loger dans cette chère maison, j’en ai loué tous les appartemens jusqu’aux greniers, pour un mois certain, au prix qu’on a voulu, table et logement pour ma femme et pour tout ce qui m’appartient. Mais j’ai mis, pour condition, qu’elle n’en serait pas informée dans ces circonstances. Ainsi, je crois avoir lié Madame Moore par l’intérêt. C’est proportionner, comme Lucifer, les tentations aux penchans. Miss Rawlings balance alternativement, lorsqu’elle entend notre histoire de la bouche de ma femme ou de la mienne. Cette Miss Rawlings n’a pas l’air crédule. Je ne me suis pas encore attaché à connaître son foible. La première fois que je la verrai, je veux étudier ses inclinations et ses défauts. Les conséquences et les applications suivront bientôt. La veuve Bévis, comme je te l’ai déjà dit, est entièrement à moi. Mon valet Will