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demain Miss Partington, et de lui faire agréer mes excuses. Alors Madame Sinclair, hésitant et paroissant reprendre le chemin de la porte, n’a pas laissé de se tourner encore vers moi. J’ai pris un flambeau pour la conduire, en lui recommandant de prendre garde à ses pieds. Elle s’est arrêtée au haut de l’escalier : mon dieu ! Madame, quelle peine vous prenez ! M’a-t-elle dit. Le ciel connaît mon cœur ; je n’ai pas eu dessein de vous offenser ; mais puisque vous n’approuvez pas une demande trop libre, je vous supplie de n’en rien dire à M Lovelace. Il me croirait trop hardie et trop impertinente. Ne trouvez-vous pas, ma chère, cet incident fort particulier ; soit en lui-même, soit dans le tour que mes réponses lui ont fait prendre ? Je n’aime point à me rendre coupable d’une incivilité. Cependant, si l’on ne se proposait rien, mon refus mérite ce nom. D’un autre côté, j’ai marqué des soupçons auxquels je ne puis m’imaginer qu’il y ait le moindre fondement. S’ils sont justes, je dois tout craindre ; je dois fuir et cette maison, et l’homme, comme ce qu’il y a de plus infecté. S’ils ne le sont pas, et que je ne puisse me purger moi-même de les avoir formés, en donnant quelque raison plausible de mon refus, quel moyen de demeurer ici plus long-temps avec honneur ? Je me sens irritée contre lui, contre moi-même, et contre tout le monde, excepté vous. Ses compagnons sont de choquantes créatures. Pourquoi, je le répète, a-t-il pu souhaiter de me voir en si mauvaise compagnie ? Encore une fois, je ne suis pas contente de lui.



Miss Clarisse Harlove à Miss Howe.

mardi, 2 mai. Il faut vous déclarer, quoiqu’avec un regret infini, que je ne puis plus, ni vous écrire, ni recevoir de vos lettres. J’en reçois une de votre mère (sous le couvert de M Lovelace, et par la voie de Milord M), qui me fait là-dessus des reproches fort vifs, et qui me défend, autant que je m’intéresse à son bonheur et au vôtre, de vous écrire sans sa permission. Ainsi, jusqu’à des temps plus tranquilles, cette lettre est la dernière que vous recevrez de moi. Comme la situation de mes affaires semble devenir plus heureuse, espérons d’obtenir bientôt la liberté de reprendre la plume, et celle même de nous voir. Une alliance avec une famille aussi honorable que celle de M Lovelace, ne sera pas regardée apparemment comme une disgrâce. Votre mère ajoute que, si je souhaite de vous enflammer, je n’ai qu’à vous informer de la défense qu’elle me signifie : mais elle se flatte que, sans la compromettre, je trouverai de moi-même quelque moyen d’interrompre une correspondance à laquelle je ne puis ignorer qu’elle s’oppose depuis long-temps. Tout ce que je puis faire, c’est de vous prier de n’être point enflammée ; c’est de vous engager par mes instances, à ne pas lui faire connaître, ni même soupçonner, que je vous aie communiqué la raison qui me fait cesser de vous écrire. Après avoir continué notre commerce, malgré le scrupule que je m’en suis fait, et sur lequel j’ai long-temps insisté, comment pourrais-je me dispenser honnêtement de