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assez cher ". Enfin les trois femmes m’ont paru si bien disposées, que j’ai commencé à m’applaudir d’avoir changé la maison de Madame Sinclair pour celle de Madame Moore. Nous sommes tous d’accord sur le point principal, sans en excepter ma charmante. La différence entre nous n’est que sur les moyens de parvenir à la fin proposée.



M Lovelace, à M Belford.

il était temps de faire savoir à ma femme que le capitaine Tomlinson était arrivé, d’autant plus qu’elle avait déjà demandé à sa servante si ce n’était pas lui qu’elle avait entendu à cheval, et qui était entré dans la maison. Madame Moore est montée à sa chambre pour la supplier, en mon nom, de nous accorder audience ; mais elle est revenue nous dire aussi-tôt que Madame Lovelace priait le capitaine de l’excuser pour le présent ; qu’elle se trouvait fort mal ; que, dans l’abattement où elle étoit, elle craignait de ne pouvoir soutenir une longue conversation, et qu’elle était forcée de se mettre au lit. Cette réponse m’a causé d’abord assez de chagrin, et je n’étais pas même sans alarmes pour la santé d’une femme si chère. J’avoue qu’elle avait essuyé beaucoup de fatigue, et qu’après avoir porté le ressentiment si loin, il n’était pas surprenant qu’elle se trouvât très-abattue, lorsque ses esprits commençaient à se calmer. Ils devaient être fort bas, je dois le dire, si l’abaissement est proportionné à l’élévation ; car elle s’était élevée dans plusieurs momens au dessus du caractère d’une mortelle. Cependant le capitaine lui a fait dire que s’il lui était permis seulement de lui faire la révérence, il regarderait cette permission comme une grande faveur, et qu’il retournerait à la ville pour achever quelques affaires, après lesquelles il serait libre de lui donner demain toute la matinée ; mais elle s’est défendue de le recevoir sur le champ, sous prétexte d’un violent mal de tête ; et Madame Moore nous a confirmé qu’elle n’était pas bien. J’aurais souhaité de pouvoir engager le capitaine à loger cette nuit dans la maison. Son tems, m’a-t-il dit, lui était trop précieux ; ses affaires même ne s’accommodaient pas trop de la nécessité de revenir le lendemain : mais il était résolu d’apporter tous ses soins à rétablir la paix entre nous, autant par considération pour ma femme et pour moi, que pour son cher ami M Jules Harlove, qui devait ignorer que notre mésintelligence eût été si loin. Ce qu’il pouvait m’offrir uniquement, c’était de prendre le thé avec la compagnie. On s’est conformé à ses intentions. J’ai eu avec lui quelques momens d’entretien particulier, après lesquels il s’est hâté de remonter à cheval. Son laquais, dans l’intervalle, avait fait prendre une haute idée de lui aux gens de la maison ; et Madame Bevis, qui, n’étant point une femme fière, vit très-familièrement avec les domestiques de sa tante, est venue dire aux deux autres femmes que c’était un homme de naissance, et d’un mérite extraordinaire, auquel il était étrange qu’on fît négliger toutes ses affaires, et qu’on donnât la peine de revenir. Je parierais ma vie, a-t-elle ajouté assez haut pour me le faire entendre, qu’il est entré autant d’humeur que de mal de tête dans le refus qu’on a fait de voir un homme si respectable. Mon dieu ! Que de