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de leur animosité dans mes bravades. Jamais, a-t-il dit, une bonne famille, qui se voit une fille charmante, ne recevra volontiers des bravades, au lieu des civilités qu’elle se croit en droit d’attendre. Il me priait de ne pas m’offenser de ce reproche ; mais la nature lui avait donné un cœur ouvert, qui ne lui permettait pas de déguiser ses sentimens. D’ailleurs, il demandait aux dames, si la raison ne parlait pas pour lui. (c’était les mettre tout d’un coup dans ses intérêts.) la leçon que mon épée avait faite au frère, lui a-t-il plu d’ajouter, avait aggravé l’offense. Quelle idée de ma vaillance cette réflexion a fait prendre aux femmes ! Ce sexe nous aime à la folie, nous autres braves. Le capitaine était libre dans son estime, ai-je répondu. Moi, de toute cette famille, je n’aimerais jamais que ma femme ; et, n’ayant aucun besoin d’eux, je n’aurais pas fait, sans elle, tant d’avances pour une réconciliation. C’est le propre d’un bon caractère, a dit Madame Moore : et très-bon même, a dit Miss Rawlings. Si bon ! Très-bon ; dites d’un très-généreux caractère, a dit Madame Bevis. Le Capit. oui, je suis obligé d’en convenir, car je n’ignore pas que M Lovelace a été fort mal traité : je dis, plus mal qu’avec sa naissance et son courage, on ne l’aurait cru capable de le supporter. Mais il me semble, monsieur, (se tournant vers moi) qu’une femme telle que la vôtre est une abondante récompense ; et qu’en faveur de la fille, il doit vous être aisé de pardonner au père. Mad M. c’est ma pensée. Miss R. ce sera la pensée de tous ceux qui auront eu l’honneur de voir Madame Lovelace. Mad B. je n’ai rien vu de si beau, assurément : mais elle est d’un caractère violent, et même un peu capricieux, autant que je l’ai pu comprendre. On ne connaît ce que vaut un bon mari, qu’après l’avoir perdu. Elle a fini cette réflexion par un soupir. Lovel. de grâce, mesdames, rien qui puisse réjaillir sur mon ange. Ma femme en est un. Peut-être ses vertus sont-elles mêlées de quelques petites taches, telles qu’un peu d’emportement et trop de répugnance à pardonner. C’est en quoi elle tient des Harlove ; poussée d’ailleurs par cette Miss Howe… mais ses innombrables vertus sont uniquement d’elle. Le Capit. oh ! Pour la chaleur d’esprit, vous avez raison de nommer Miss Howe. C’est elle que vous pouvez accuser d’en avoir trop. Cependant (avec un regard malicieux) elle mérite aussi quelque pitié. (je l’ai fort bien conduit, comme tu vois, à confirmer ce que j’avais dit de cette fille mâle ; et nous étions convenus de lui imputer un amour secret pour moi, comme le plus sûr moyen d’affoiblir tout ce qu’elle était capable d’écrire.) Le Capit. Monsieur Lovelace, si je ne connaissais votre modestie, vous pourriez donner une fort bonne raison… Lovel. (ici, j’ai baissé les yeux, d’un air tout-à-fait modeste.) c’est ce que j’ai peine à me persuader, capitaine. Mais passons là-dessus, s’il vous plaît. Le Capit. j’y consens. Venons à la situation de vos affaires… seulement,