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plus ténébreux de tous les hommes ! Ensuite s’étant essuyé les yeux, et tournant à demi la tête vers moi : dans quel horrible embarras m’as-tu jetée ? Mais si tu connais Clarisse Harlove, tu chercheras ton prétendu bonheur avec toute autre qu’elle. Combien de fois m’as-tu forcée de te dire que j’ai l’ âme supérieure à toi ! Madame ! Au nom de dieu, et par compassion pour un malheureux que vous pouvez sauver du plus affreux désespoir, pardonnez-moi cette dernière offense. Que je sois exterminé, si je l’ai prévue ! Cependant je n’ai pas la présomption de m’excuser. Je m’abandonne à votre pitié. Je n’ai que mon repentir à faire valoir. Mais voyez le capitaine Tomlinson. Voyez ma tante et ma cousine. Qu’ils plaident pour moi. Qu’ils se rendent garans de mon bonheur. Si M Tomlinson, m’a-t-elle dit alors, paraît ici tandis que j’y serai, je pourrai le voir ; mais pour vous, monsieur… chère Clarisse ! (en l’interrompant) je vous demande en grâce de ne pas grossir mes fautes aux yeux du capitaine ; de ne pas… quoi ? Je prendrais parti contre moi-même ! J’excuserois… non, madame. Mais ne me chargez point d’une odieuse préméditation. Ne donnez pas, à ma faute, une couleur qui puisse affoiblir les favorables dispositions de votre oncle, fortifier la haine et les espérances de votre frère… elle s’est éloignée de moi jusqu’à l’extrêmité de la salle. (je l’aurais défiée d’aller plus loin.) au même moment, Madame Moore est venue l’avertir qu’on avait servi, et qu’elle avait engagé Miss Rawlings à lui tenir compagnie à dîner. Je vous demande un peu d’indulgence, a-t-elle répondu. Je demande la même grâce à Miss Rawlings. Je ne puis rien prendre ; je ne suis point en état de manger. Pour vous, monsieur (en se tournant vers moi), je suppose que vous prendrez le parti de vous retirer, du moins jusqu’à l’arrivée de la personne que vous attendez. Je suis sorti respectueusement de la salle, mais pour laisser à Madame Moore le temps de lui apprendre que j’avais droit à sa table comme au logement. Je m’étais approché d’elle pour l’en prier. Miss Rawlings s’étant trouvée dans le passage : très-chère miss, lui ai-je dit, soyez de mes amies. Joignez-vous à Madame Moore pour ramener l’esprit de ma femme, si ses transports recommencent en apprenant que j’ai ici mon appartement et la table. Je la crois trop généreuse, pour vouloir empêcher qu’une honnête femme ne loue une partie de sa maison dont elle n’a pas d’usage à faire. Je suppose que Madame Moore, qui était restée seule avec ma charmante, lui a communiqué cette importante nouvelle avant que Miss Rawlings soit rentrée ; car j’étais encore avec cet oracle d’Hamstead, lorsque j’ai entendu de sa bouche : non, assurément. Il se trompe. Il est impossible qu’il me croie capable d’y consentir. Elles lui ont fait toutes deux des reproches, autant que j’en ai jugé par quelques mots échappés. Elles parlaient si bas, que je n’ai pu recueillir une phrase entière ; à l’exception de ma cruelle, dont la colère lui permettait moins de modérer sa voix. Ainsi, je n’ai compris les discours des autres que par ses réponses. " non,